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dans certains cantons, à défaut de savon, une propreté personnelle relative était obtenue par des moyens que la plume se refuse à indiquer.

Cette peinture de la misère écossaise est certainement chargée. Sans doute les ancêtres des Douglas et des Hamilton approchaient fort de la simplicité du roi Évandre, et les chevaliers français, lorsqu’ils venaient leur prêter main-forte, étaient contraints de se passer « de leurs beaux hostels, de leurs bons mols lits pour reposer, comme dit Froissart, et quand ils se trouvoient en cette povreté, si commençoient-ils à rire et à dire : En quel pays nous a cy amenés notre chef ? » M. Burton lui-même, qui, en sa qualité de légiste, ne croit la cause entendue qu’après avoir prêté l’oreille aux deux plaidoyers, fait une place au témoignage défavorable du très riche et très noble seigneur Ænéas Sylvius Piccolomini. — L’Ecosse, avec ses maisons couvertes de chaume, devait sembler en effet un pays très pauvre à ce prince de l’église, à ce pape futur, à ce Toscan lettré, qui avait vécu au milieu des marbres de Sienne, de Florence et de Rome ; mais un étranger ne mesure la pauvreté d’un pays que par comparaison. Piccolomini jugeait qu’un peuple devait toucher aux bornes mêmes de la misère quand il se chauffait avec une sorte d’odieux charbon tiré des entrailles de la terre, et il confondait mendians et bienfaiteurs dans une compassion commune quand il voyait les uns exercer la charité en donnant de ce charbon et les autres s’estimer heureux d’en recevoir. Après cela, M. Burton met en regard d’Ænéas Sylvius l’ambassadeur espagnol Pedro de Ayala, qui montre pour l’Ecosse beaucoup moins de pitié. Ces relations d’ambassadeurs aux XVe et XVIe siècles renouvellent et rajeunissent de tous côtés les annales de l’Europe. Le rapport que d’Ayala envoyait à ses souverains Ferdinand et Isabelle est un filon de la précieuse mine des archives de Simancas. En sa qualité d’érudit dont l’horizon ne se borne pas à la Grande-Bretagne, M. Burton n’a pas manqué d’en rapporter ce qui sert à l’histoire de son pays. Peu importe sans doute que l’Ecosse poissonneuse, piscinata Scotia, dit le vieux proverbe, pût fournir l’Italie, la France, la Flandre et l’Angleterre de saumon, de hareng et de stock-fish (sorte de morue sèche). Que les produits de la terre y fussent bons et abondans, les troupeaux innombrables, cela n’est pas d’un intérêt bien vif pour l’histoire. Ce qui vaut la peine d’un éclaircissement, c’est de montrer que l’on retrouve dans le peuple écossais d’autrefois celui d’aujourd’hui, laborieux, entreprenant, cherchant et faisant fortune dès que les circonstances le permettaient, ne subissant que malgré lui et pour un temps le joug pesant de la misère.

Tout semble se tenir dans le passé quand il est envisagé à la lumière artificielle d’un système ; ce qu’on a appelé la portion fixe de