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formules sacramentelles, d’exorcismes qui remplissent onze chapitres du rituel. L’une de ces bêtes, acharnée à la perte de l’âme, véritable démon, était le grand serpent Rewrow ou Apap, l’ennemi du soleil. Entre autres moyens singuliers auxquels le défunt avait recours pour conjurer ces fantômes diaboliques était celui d’assimiler chacun de ses membres à ceux des divers dieux[1], ce qui avait la vertu de diviniser en quelque sorte sa substance ou donnait le change à ces démons, qu’on ne se représentait pas moins crédules que le Satan dépeint par les légendes du moyen âge. Le mort, en plaidant en faveur de son innocence, en rappelant, suivant les expressions de divers textes égyptiens, qu’il s’était attaché à Dieu par son amour, qu’il avait donné du pain à celui qui avait faim, de l’eau à celui qui avait soif, des vêtemens à celui qui était nu, un asile à l’abandonné, en tenant un discours qu’on croirait sorti de la bouche d’un chrétien, mettait plus sa confiance dans la protection des dieux que dans ses propres mérites, et il comptait plus sur les prières des saints patrons que sur la justice divine, inconséquence qui se retrouve ailleurs que chez les Égyptiens. Le méchant à son tour, avant d’être anéanti, était condamné à souffrir mille tortures, et sous la forme d’esprit malfaisant il revenait ici-bas inquiéter les hommes et s’attacher à leur perte ; il entrait dans le corps d’animaux immondes. Le soleil, personnifié dans Osiris, fournissait, on le voit, le thème de toute la métempsycose égyptienne. Du dieu qui anime et entretient la vie, il était devenu le dieu rémunérateur et sauveur, comme cela est arrivé pour d’autres divinités solaires, Vichnou et Hercule par exemple. On en vint même à regarder Osiris comme accompagnant le mort dans son pèlerinage infernal, comme prenant l’homme à sa descente dans le ker-neter et le conduisant à la lumière éternelle. Ressuscité le premier d’entre les morts, il faisait ressusciter les justes à leur tour, après les avoir aidés à triompher de toutes les épreuves. Si l’on n’avait pas retrouvé les phases successives par lesquelles ont passé les personnifications des actions solaires avant de représenter des faits purement humains, on pourrait douter de la réalité d’une si complète transformation ; mais l’étude des livres religieux de l’Inde, comme celle des textes hiéroglyphiques, démontre que ces personnifications se sont faites graduellement chair, et qu’une pure allégorie a fini par donner naissance à une légende ayant toutes les apparences de la biographie d’un être personnel.

Cette curieuse doctrine de la vie future est surtout éclairée par le rituel funéraire, qui portait chez les Égyptiens le titre de Livre

  1. C’est notamment ce qu’indique la légende d’une caisse de momie en bois provenant de Thèbes, et qui porte à l’exposition le n° 26.