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transformations réservées à l’âme humaine. Pour un peuple ignorant de la véritable nature des corps célestes, une telle conception n’avait au reste rien d’étrange. Le soleil ou, comme disaient les Égyptiens, Ra, passe alternativement du séjour des ténèbres ou de la mort dans le séjour de la lumière ou de la vie. Ses feux bienfaisans font naître et entretiennent l’existence ; le soleil joue donc par rapport à l’univers le rôle de générateur, de père ; il engendre la vie, mais il n’a point été engendré ; existant par lui-même, il est à lui-même son propre générateur. Ce symbolisme une fois accepté, il s’accusa de plus en plus, et l’imagination des Égyptiens chercha dans la succession des phénomènes solaires l’indication des phases diverses de l’existence humaine. Chaque point de la course de l’astre lumineux fut regardé comme correspondant aux différentes étapes de cette existence.

Ra ne s’offrait pas d’ailleurs seulement comme le prototype céleste de l’homme qui naît, vit et meurt pour renaître encore ; ainsi que chez les autres peuples polythéistes de l’antiquité, il était considéré comme une divinité, comme la divinité suprême, parce qu’il est le plus éclatant, le plus grand des astres qui suggérèrent surtout à l’homme l’idée d’êtres supérieurs et tout-puissans. La conception théologique des Égyptiens ne s’arrêta pas là ; elle le subdivisa pour ainsi dire en plusieurs divinités. Envisagé dans ses diverses stations, sous ses divers aspects, il devint un dieu différent, ayant son nom particulier, ses attributs, son culte. C’est un trait que la mythologie égyptienne a de commun avec la mythologie des Aryas. Ainsi le soleil dans son existence nocturne est Atoum ; quand il brille au méridien, il est Ra ; quand il fait naître et entretient la vie, il est Khéper. Ce furent là les trois formes principales de la divinité solaire ; mais on en imagina beaucoup d’autres. Comme la nuit précède le lever du jour, Atoum fut considéré comme né avant Ra et sorti d’abord seul de l’abîme ou du chaos. On réunit les trois manifestations de la puissance polaire en une triade divine qui devint le prototype d’une foule d’autres triades composées avec des divinités qui personnifiaient les diverses relations du soleil avec la nature, ses diverses influences sur les phénomènes cosmiques !

L’anthropomorphisme s’insinua dans ces premières conceptions sabéistes, ainsi que cela se vit pour les dieux du Véda, et les Égyptiens conçurent la génération des dieux comme s’étant opérée suivant des voies identiques à la génération humaine. Voilà pourquoi ils transportèrent dans leur théogonie les idées qu’ils se faisaient sur le rôle respectif des sexes dans cet acte mystérieux de la nature. Diodore de Sicile, qui nous a conservé tant de précieuses informations sur cette étrange contrée, nous dit que, dans l’opinion des Égyptiens, le père est l’unique auteur de l’enfant ; la mère ne fait que lui donner la nourriture et la demeure. C’était aussi à ce rôle