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congrès slaves réguliers (congrès de savans, de naturalistes, d’économistes, d’artistes, etc.) est en pleine exécution : on nous annonce « un congrès de la Jeunesse slave » à Belgrade, et même un congrès panroumain ou dacque à Bucharest. Les adresses d’étudians, si à la mode de nos jours, ne font pas non plus défaut ; les hautes écoles de Prague, de Belgrade, de Moscou, échangent entre elles des missives touchantes ; mais, c’est surtout « l’étude du russe » qui est devenue le mot d’ordre de l’agitation dans les pays slaves de l’Autriche.

En déployant les journaux tchèques, croates, serbes, on est frappé par l’étrange spectacle de colonnes entières remplies de thèmes russes, d’annonces des cours, des leçons, des libres, dictionnaires et grammaires russes, et en attendant que l’illustre M. Serol (« le Mezzofanti de la Bohême, » ainsi que l’appellent les feuilles locales, rapporte de Saint-Pétersbourg une grammaire « rationnelle » russe pour tous les Slaves, on a eu la diligence de réimprimer la grammaire de Mikesz, qui est déjà arrivée à sa quatrième édition dans l’espace d’un seul mois ! « La langue russe, disent les Narodni-Noviny, l’organe principal des Tchèques, est la langue de la nation la plus nombreuse dans la grande famille slave, et il est clair que les autres peuples slaves doivent se l’approprier. Il faut que chaque Slave apprenne avant tout le russe et l’enseigne à ses enfans ; alors les Allemands auront la preuve que la nation slave a une langue commune… » Il est encore plus facile de s’approprier un costume qu’une langue ; aussi l’Invalide russe du 11 juillet annonce-t-il avec joie que « les membres des différens sokols[1], ont adopté le costume national russe ; plusieurs même parmi eux ont fait achèter à Saint-Pétersbourg ou reçu en cadeau des chemises rouges russes et des poddiévki… » De même c’est par l’hymne russe « Dieu protège le tsar » que les différens sokols inaugurent maintenant leurs concerts, tournois et promenades, et, si soigneuses que soient les autorités autrichiennes d’éviter tout sujet de froissement avec le cabinet de Saint-Pétersbourg, elles se sont néanmoins vues dans la nécessité de défendre tout dernièrement à Laybach, par un avis officiel, l’exécution de cet hymne national, « du moins dans les restaurans et les lieux publics. » Les grands meneurs de toute cette étrange agitation sont partout et toujours les Tchèques, et qu’ils sont fertiles en idées, généreux dans leurs conceptions ! . Ils viennent de monter sur le théâtre national de Prague la grande pièce patriotique, l’opéra Mourir pour le Tsar, et une cantatrice célèbre de

  1. Sous ce nom sont désignées les nombreuses associations musicales et gymnastiques parmi les Slaves de l’Autriche.