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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


quant à moi, que je réponde à ce qui m’a été signifié. » Et il dicta ce qu’on va lire non pour Théophile, à qui il ne reconnaissait pas le droit de l’interpeller et de le citer, mais pour les évêques séparés qui siégeaient au synode du Chêne.

« Jusqu’ici je ne connais personne qui puisse avec quelque apparence de justice se plaindre de moi et m’accuser. Toutefois, si vous voulez que je me présente devant votre assemblée, faites-en sortir d’abord mes ennemis déclarés, ceux qui n’ont point caché leur haine et leurs desseins contre moi. Faites cela, et je ne disputerai point du lieu où je devrai être jugé, quoique ce lieu, suivant toutes les règles, soit la ville de Constantinople. Le premier d’entre vous récusé par moi comme suspect est Théophile, que je convaincrai d’avoir dit à Alexandrie et en Lycie : « Je vais à la cour déposer Jean, » propos trop bien confirmé par le refus de me voir et de me parler depuis son arrivée et même de communiquer avec moi. Je récuse ensuite Acacius de Bérée, qui s’est vanté de m’assaisonner un bouillon qui ne serait pas de mon goût. Antiochus de Ptolémaïs et Sévérien de Gabales ne méritent guère que je parle d’eux : une prompte justice leur viendra d’en haut, et en ce moment déjà les théâtres de la ville en font l’objet de leurs railleries. Si donc vous voulez sérieusement que je me présente, commencez par retrancher ces quatre évêques du nombre de mes juges, et si vous voulez absolument qu’ils soient là, faites-les venir comme accusateurs, afin que les rôles soient nets et que je sache à qui j’ai affaire. Sous ces conditions, je comparaîtrai devant vous, je comparaîtrai, s’il le faut, devant un concile de toute la terre ; mais sachez bien que vous enverriez mille fois vers moi, que vous n’obtiendriez pas d’autre réponse. »

Trois évêques, des quarante du triclinium, Lupicinus, Démétrius et Eulysius, et deux prêtres, Germain et Sévère, furent désignés pour porter ces deux lettres au Chêne, puis les envoyés de Théophile furent congédiés. Ils venaient de sortir quand arriva un notaire impérial porteur d’un rescrit du prince où était insérée une supplique venue du Chêne à l’effet d’obliger Jean (comme ils persistaient à le désigner) à comparaître bon gré mal gré devant ses juges. Le notaire insista près de Chrysostome pour qu’il obéit ; Chrysostome donna les raisons de son refus, et le notaire s’en alla. Il avait à peine quitté le palais épiscopal, qu’on y vit entrer deux prêtres de l’église de Constantinople, un certain Eugénius, qui avait déjà reçu pour prix de ses services dans la faction ennemie le titre et les fonctions d’évêque, et le moine Isaac, ce bouffon mendiant qui diffamait son pasteur dans les carrefours pour quelques oboles. C’étaient de nouveaux délégués du synode venant citer Chry-