Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

tion, dernières peines de la compétence des conciles, ils joignaient parfois l’emprisonnement, et le bannissement, ainsi qu’on l’a vu dans le procès des Longs-Frères ; mais alors la sentence ne pouvait pas être exécutée par les juges ecclésiastiques, et il y avait, comme disait le droit canonique, imploration au bras séculier. De même, lorsque des crimes entraînant la peine de mort se trouvaient compris parmi ceux dont le concile était saisi, il en renvoyait la connaissance aux juges civils, l’église ayant horreur du sang. Telle est la trame juridique que nous allons voir se dérouler dans le jugement de Chrysostome.

La session s’ouvrit sous la présidence du patriarche d’Alexandrie, second siége de l’empire d’Orient, l’évêque du premier siége se trouvant accusé. Il ne présida que jusqu’au vote sur Chrysostome, se démit alors et passa la présidence à Paul d’Héraclée, ancien ami, aujourd’hui ennemi mortel de l’archevêque ; ce fut donc Théophile qui dirigea toute l’instruction de l’affaire, et il le fit de manière à justifier sa double réputation d’habileté et de perversité.

Son premier acte fut de mander devant le concile, en vertu de ses pouvoirs, l’archidiacre de l’église de Constantinople, nommé Jean. L’archidiacre, dans les premiers siècles du christianisme, était le principal ministre de l’évêque pour toutes les fonctions extérieures, particulièrement pour l’administration du temporel : il pourvoyait à la décoration de l’église, il avait l’intendance des oblations et des revenus lorsqu’il n’existait pas d’économes spéciaux, ce qui était le cas sous Chrysostome ; il distribuait les émolumens des clercs et joignait à ces attributions importantes des fonctions de police intérieure et de surveillance des mœurs. En un mot, on l’appelait « la main et l’œil de l’évêque. » Or l’archidiacre Jean était un homme haineux, brutal ; l’archevêque l’avait éloigné de son clergé pour avoir maltraité un enfant qui le servait, et l’avait ensuite rappelé par indulgence ; mais celui-ci conservait des sévérités de son maître une rancune inextinguible. Théophile le savait, et il l’avait fait venir pour qu’il se portât accusateur dans l’affaire. C’était chose grave en effet qu’un archidiacre, principal ministre d’un évêque, se portant accusateur contre lui. Guidé par cet homme, il cita également ou comme accusateurs ou comme témoins la plupart des prêtres et des diacres des diverses églises de Constantinople, comme si le siége eût été vacant. Il en vint un tel nombre que les églises semblaient abandonnées, et que sur beaucoup de points le service divin fut suspendu.

Le libelle d’accusation dressé par l’archidiacre Jean, tel que nous le lisons encore aujourd’hui dans les Actes du concile, conservés à la postérité par un successeur de Chrysostome, le très laborieux et très savant patriarche Photius, contenait vingt-neuf chefs ou