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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


toire. L’évêque et les quatre abbés dénonciateurs des moines de Nitrie, voyant qu’il s’agissait pour eux d’une condamnation capitale, car ils avaient accusé Ammonius et ses compagnons d’un crime capital, le crime de magie mêlé à celui de lèse-majesté, effrayés d’ailleurs des dispositions de l’impératrice à leur égard, avaient fini par tout confesser. Ils avaient avoué que les faits étaient faux ou du moins qu’ils les ignoraient, que la requête n’était pas rédigée par eux, et que dans toute cette affaire ils n’avaient été que les serviteurs obéissans de leur patriarche. D’après leur aveu, ils furent déclarés coupables et condamnés à la peine de mort. Ces choses se passaient pendant le voyage de Théophile et avant qu’Eudoxie fût entrée en recrudescence d’animosité contre Chrysostome.

Informé de tout par les officiers du prétoire, l’empereur, dont la conduite du patriarche blessait les sentimens religieux, se montra fort irrité, et à l’arrivée de celui-ci il eut l’idée de le faire traduire pour ces faits devant le futur concile. L’honneur de la religion, pensait-il, exigeait une explication solennelle et, dans le cas où les faits seraient prouvés, un châtiment. Dans cet ordre d’idées et pour l’apaisement de ses scrupules, il manda près de lui Chrysostome, qu’il chargea d’aller interroger Théophile au palais de Placidie. Chrysostome déclina l’ordre impérial. « Je ne puis, dit-il respectueusement, concourir à faire juger un évêque en dehors des limites de sa province, les canons le défendent ; » puis il montra à l’empereur la lettre par laquelle ce même Théophile, à propos de cette même affaire des Longs-Frères, contestait l’autorité de tout concile qui ne serait pas égyptien. Quelque instance qu’y pût mettre Arcadius, l’archevêque se renferma dans cette réponse. À part la délicatesse de conscience qui pouvait le porter à ne point se faire le juge d’un ennemi déclaré, on se demande quel était ici le vrai motif du refus, car c’était lui qui le premier avait émis l’idée d’un concile à Constantinople pour prononcer entre les moines de Nitrie et leur évêque. Pourquoi combattait-il aujourd’hui cette idée ? Est-ce parce qu’il avait rompu avec les Longs-Frères ? Est-ce qu’il craignait que des tribunaux ecclésiastiques l’affaire ne passât aux tribunaux séculiers à cause des faits de violence publique et de calomnies, et qu’il reculait devant une participation quelconque à un acte qu’il regardait comme attentatoire à la dignité d’un évêque ? Serait-ce enfin que l’attitude hardie et presque triomphante du patriarche l’intimidât, et que, résolu d’attendre ses attaques, il ne voulût pas paraître les avoir provoquées ? Quoi qu’il en soit, il persista dans sa réponse. Théophile se trouva délivré d’un grand danger, grâce à l’honnêteté de son ennemi, et bientôt Arcadius n’y pensa plus.

Pourtant l’alarme avait été vive au camp des Alexandrins, comme