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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


maintenant ne tenait sur le métropolitain de Constantinople un langage plus amer ; il ne l’appelait que le superbe, l’opiniâtre, l’impie. Comme l’époque du concile approchait (on était alors au milieu de juin, et le concile devait s’ouvrir le mois suivant), les évêques des provinces à l’orient de Chalcédoine ou ceux qui craignaient une longue navigation venaient s’embarquer dans cette ville, où le Bosphore atteint sa moindre largeur. Il en arrivait d’Arménie, de Perse, de Mésopotamie, des diocèses méditerranéens de la Phrygie. Ceux qui semblaient de bonne volonté étaient retenus par Cyrinus, et Théophile les attirait à des conciliabules dont ses Égyptiens formaient le noyau. Il paraît qu’on y discutait avec une grande vivacité, principalement Cyrinus, dont le caractère irascible et violent rappelait les hommes de son pays. Dans une de ces discussions, un Persan nommé Maruthas, évêque de Mésopotamie, lui marcha sur le pied par mégarde. L’allure de ce demi-barbare, qui vivait sur les confins de la Babylonie, devait être bien lourde, ou sa sandale bien ferrée, car son pied écrasa celui de Cyrinus à tel point que la gangrène s’y mit et qu’on fut obligé plus tard de couper la jambe au patient. Cet accident contraria beaucoup Théophile, qui comptait sur l’évêque de Chalcédoine, cabaleur hardi, tel qu’il lui en fallait pour entraîner des gens incertains ou timorés, car beaucoup de ceux à qui on s’adressait refusaient de prendre des engagemens d’avance. À son grand regret, il ne put l’amener à Constantinople.

Ce fut un jeudi à la sixième heure du jour, c’est-à-dire vers midi, que Théophile, donnant le signal aux rameurs, franchit le Bosphore avec ses vingt-huit suffragans. Il prit terre, suivant toute apparence, dans le port particulièrement destiné aux navires venant de Chalcédoine, et que pour cette raison on appelait les échelles chalcédoniennes. Toute la flottille égyptienne s’était décorée pour le recevoir ; le petit peuple égyptien de l’annone se trouvait rangé en bon ordre autour du port, de sorte que le patriarche, en abordant la métropole de l’empire, eut une entrée presque souveraine. Avec son cortége d’évêques et son armée d’Égyptiens, il se mit en marche à travers la ville pour gagner le quartier de Pérasma, où l’empereur mettait à sa disposition un des palais impériaux, appelé le palais de Placidie. Ce quartier de Pérasma, qui porte aujourd’hui le nom de Péra, était séparé de la ville proprement dite par le golfe de Céras ou de la Corne, lequel formait déjà le grand port, et des barques nombreuses, amarrées sur les deux rives, servaient de communication jour et nuit d’un quartier à l’autre. Pour aller des échelles chalcédoniennes à Péra et au palais de Placidie, où Théophile devait loger, il fallait passer devant la basilique épiscopale, à laquelle l’archevêché était attenant. Chry-