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est habituel, l’ont comparé aux autres vestiges de l’antiquité égyptienne et en ont conclu, non sans des motifs plausibles, que c’était un tombeau plus fastueux que les autres. Une telle masse n’aurait été destinée, à les en croire, qu’à protéger pour un temps indéfini la dépouille mortelle du roi qui en prescrivit la construction. Cette interprétation se justifie par de nombreuses analogies. C’est, comme dans les tombeaux les plus authentiques, le même soin à cacher le sarcophage dans une retraite impénétrable, à barrer les issues de la chambre sépulcrale, à dérober par d’ingénieuses précautions la retraite où le mort doit attendre la résurrection future. S’il n’eût pas existé des indices d’une autre destination, il eût été permis d’affirmer que c’était bien là le but unique d’une œuvre si gigantesque ; mais comment accorder cette hypothèse avec les indications plus précises que les explorateurs, la règle et le cercle divisé à la main, ont fini par y reconnaître ?

Examinons d’abord les données principales de ce singulier problème archéologique. La base est un carré parfait, ou du moins en diffère si peu que l’on se demande si l’écart entre la forme théorique et la forme observée doit être attribué à la négligence des constructeurs ou à l’incertitude des procédés de mesure. Les quatre côtés sont dirigés très exactement vers les quatre points cardinaux, et les faces présentent toutes la même inclinaison. Les assises successives, inégales entre elles, conservent chacune une épaisseur uniforme sur le pourtour de la pyramide. La galerie qui est l’unique entrée du monument et se prolonge en ligne droite jusqu’à la chambre souterraine est juste autant inclinée au-dessous de l’horizon que l’est au-dessus la galerie ascendante qui aboutit aux chambres supérieures. Jusqu’ici l’on pourrait ne voir en ces diverses coïncidences que des preuves du soin extrême que l’architecte du pharaon Chephren donnait à son ouvrage. Voici qui révèle mieux une intention secrète. La galerie descendante est dirigée à peu près vers le pôle du monde et devait être, il y a quatre ou cinq mille ans, au moment de la construction, comme un gigantesque tuyau de lorgnette braqué sur une étoile brillante qui jouait alors le rôle d’étoile polaire. Le prétendu sarcophage en granit que recèle la chambre supérieure a été taillé de telle sorte que la capacité du dedans est la moitié du volume extérieur. Une dernière circonstance serait surtout remarquable, si l’état de délabrement dans lequel se trouve le dehors de l’édifice ne permettait d’en contester l’exacte vérité. Le rapport mathématique entre la hauteur de la pyramide et le côté de la base est égal au rapport entre le diamètre et la demi-circonférence d’un cercle, en sorte que, si ce fait était admis comme certain, il faudrait admettre aussi que les Égyptiens connurent à une époque très ancienne l’un des paramètres importans de la géométrie.

Ces résultats métriques ont paru d’autant plus dignes d’attention qu’on