Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/1050

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le Slesvig le catéchisme fût enseigné aux enfans en allemand et non en danois, la Prusse et la confédération germanique ont affronté une guerre dont les développemens ont changé la face de l’Europe ; voilà que la Russie travaille à leur fournir un prétexte semblable. Cette fois on aurait pour adversaire en face de soi non plus un petit pays, mais un grand état ; les enfans de la Lithuanie allemande pourront donc apprendre le catéchisme en russe sans que M. de Bismark fasse semblant de le savoir. Ce prosélytisme religieux, visiblement inspiré par des vues temporelles et politiques, n’empêche point la Russie d’encourager officiellement le mouvement de l’Italie vers Rome, par lequel le pouvoir temporel va être enlevé à un principe religieux. La presse russe raisonne à son aise sur la solution de la crise romaine. Il n’est pas à sa convenance, elle le déclare, que l’occupation française soit rétablie à Rome. Le gouvernement italien n’a qu’à envoyer dans l’état romain un corps d’armée qui assurera la protection du pape, comme faisaient les troupes françaises durant les longues années de l’occupation. L’avantage dans la circonstance actuelle, c’est que l’intervention entre le pape et les populations romaines conservera le caractère national italien. Le double péril des brutalités de l’insurrection ou d’une fuite du pape serait ainsi évité, {le pape ne subirait que l’apparence d’une contrainte morale, et aurait en compensation l’avantage de ne point abandonner son siége et de rester à Rome. Contradiction bizarre entre les actes des Russes chez eux et les éloquentes leçons qu’ils nous adressent sur les questions de religion et de politique qui nous touchent ! Il manquait aux misères du pouvoir temporel cette dernière insulte du seul état qui entretienne encore en Europe l’affreuse pratique de la persécution religieuse.

e. forcade.


ESSAIS ET NOTICES.


Choix de sermons et discours de Mgr Philarète, membre du très saint synode de Russie, métropolite de Moscou, traduits du russe par M. Serpinet, 3 vol. in-8° ; Dentu.

Un des phénomènes les plus caractéristiques, les plus dangereux de ce temps-ci, c’est assurément cet antagonisme confus, multiple, qui se dessine entre la Russie et l’Europe de l’occident. De quelque façon qu’on le juge, il existe, et même, par une combinaison étrange, on pourrait dire qu’au lieu de s’apaiser et de s’adoucir sous l’influence de la civilisation générale il s’accroît et s’irrite en se dévoilant de plus en plus dans sa menaçante netteté, à mesure que les occasions se multiplient et que les circonstances s’aggravent. Ce n’est plus, comme il arrive trop souvent sur un continent tel que l’Europe, le choc accidentel d’intérêts con-