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ment à la marche de l’Allemagne le caractère d’une hostilité aveugle et brutale contre la France. Les témoins impartiaux des sentimens de notre pays savent bien que ce n’est pas lui qui a provoqué les déceptions de L’année dernière. Le patriotisme et l’esprit pacifique chez nous, s’ils avaient été maîtres de la politique extérieure, auraient conservé la plus loyale impartialité devant la lutte où devaient se heurter la Prusse et l’Autriche ; Ils n’auraient pas permis à l’Italie, qui nous a tant d’obligations, de contracter l’alliance prussienne, et sans cette alliance il est probable, que la paix et l’Ordre européen eussent été conservés. Le patriotisme et l’esprit pacifique français n’éprouvaient point les sentimens et les espérances qui se manifestèrent dans le discours d’Auxerre ; au fond, notre pays, s’il en a subi les effets, n’a point encouru de dessein prémédité la responsabilité de l’avortement des illusions caressées dans cette harangue. Nous avons à supporter les conséquences de cette grande erreur, car la situation militaire qu’elle a laissé créer en Allemagne nous impose, pour maintenir notre égalité, une préparation de guerre plus pénible et plus coûteuse que celle à laquelle nous étions accoutumés. Si nous gardons à cette préparation le caractère naturel d’une précaution et d’un acte de prudence, si nous évitons de lui donner la portée d’une hostilité dirigée contre l’union allemande, notre bonne foi et notre modération, il faut l’espérer, finiront par être comprises au-delà du Rhin, les défiances mutuelles s’apaiseront, et peut-être les nouvelles expériences politiques : commencées en Allemagne profiteront-elles, par la contagion et l’émulation de l’exemple, à notre propre vie politique intérieure. Guidés, par cette pensée générale, nous pouvons assister de sang-froid aux incidens journaliers qui se produisent dans la formation de l’unité germanique. La question posée aujourd’hui est de savoir combien de temps les états du sud mettront à pénétrer dans la confédération. Bade et son gouvernement sont parmi les états du sud les plus pressés d’entrer dans l’union fédérale ? le Wurtemberg et surtout la Bavière font des distinctions, des réserves, des raisonnemens peu clairs et peu intelligibles pour éloigner le jour de la solidarité totale. Quant à la Prusse, ayant obtenu des états du sud la coopération essentielle, celle de l’alliance militaire et de l’union douanière, elle est patiente, et n’a point l’air de vouloir hâter l’achèvement de l’unité complète, où l’initiative de Berlin pourrait être paralysée et absorbée par la prépondérance du propre et sincère génie de l’Allemagne. La France peut assister avec calme, avec impartialité, avec une curiosité amicale, aux essais et aux épreuves du dualisme qu’il persiste dans les populations germaniques. La période de transition, tant qu’elle durera, donnera de l’occupation à l’esprit allemand ; il est probable que l’unité, lorsqu’elle s’achèvera, aura sans doute pour compensation la modération, sinon la diminution de la centralisation et de la prépondérance prussiennes.