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source d’électricité, nous dirons que les deux masses de fluides contraires qui dans un voltamètre décomposent 9 grammes d’eau feraient explosion à 1 mètre de distance, si on pouvait les employer à charger deux bouteilles de Leyde d’un kilomètre carré de surface. Condensés sur deux nuages distans d’un kilomètre, les mêmes fluides exerceraient une attraction d’environ 2 milliards de kilogrammes. Malgré cette énorme tension, ils ne produiraient que l’effet chimique d’une petite pile de quelques couples. En revanche, ils pourraient opérer les terribles effets mécaniques et physiologiques de la foudre, tandis que la pile ne fournit que des étincelles tout à fait insignifiantes.

Les courans d’induction mettent en mouvement des quantités d’électricité aussi abondantes que celles qui constituent les courans ordinaires ; ils présentent en outre la tension qui produit les étincelles. Grâce à cette troisième forme de l’électricité, nous pouvons obtenir d’une manière presque continue les plus puissans effets de fulguration des anciennes machines sans avoir besoin de charger à chaque fois une grande batterie de bouteilles de Leyde. Les machines d’induction réalisent en quelques instans ce qui autrefois exigeait un long travail de préparation. Elles fournissent tout ce que l’on peut obtenir à l’aide des piles et au moyen des machines à frottement, — attractions, répulsions, étincelles, chaleur, lumière, actions chimiques, commotions nerveuses, aimantation du fer, etc. ; elles sont devenues indispensables à la science, à l’industrie, à l’art de guérir. Tout le monde connaît aujourd’hui la bobine de Ruhmkorff, dont les effets sont comparables à ceux de la foudre. Cet appareil produit des courans induits par les interruptions incessantes d’un courant inducteur. Les machines magnéto-èlectriques fournissent des courans d’induction en rapprochant et en éloignant alternativement un circuit fermé des pôles d’un aimant. Dans la forme qui leur a été donnée par MM. Siemens et Wheatstone, elles réalisent la transformation la plus immédiate du mouvement mécanique en magnétisme et électricité dynamique.

Si la découverte de Faraday a marqué pour ainsi dire une ère nouvelle dans les applications de l’électricité, elle n’est pas moins importante à un point de vue purement philosophique. Qu’est-ce donc que ces forces instantanées qu’un mouvement fait naître à distance, qui cessent d’agir au moment où ce mouvement s’arrête ? Quelle mystérieuse liaison de toutes les. parties de la matière est la cause de cette résonnance électrique en vertu de laquelle le contre-coup d’un changement survenu dans l’intérieur d’un corps se fait sentir immédiatement dans les corps voisins ? Ne dirait-on pas qu’un réseau invisible de forces inconnues s’étend, d’atome en atome, et qu’il est impossible d’en briser une maille sans ébranler une légion de fils enchevêtrés ?

L’importance du rôle que les courans d’induction jouent dans la