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la construction d’appareils grossiers avec lesquels il répétait tant bien que mal les expériences. Un traité de l’électricité, extrait de l’Encyclopédie britannique, lui apprit le principe des machines électriques ; il n’eut rien de plus pressé que de se fabriquer une machine à lui avec une bouteille et quelques morceaux de bois. Une seconde machine perfectionnée avait déjà un cylindre de verre fait exprès pour cet usage, et peu à peu l’humble demeure du jeune ouvrier se remplissait de livres et d’instrumens de recherches, au milieu desquels il vivait isolé du monde extérieur comme la chrysalide dans ses voiles.

Parmi les cliens de son patron était un membre de la Société royale, M. Dance, qui fut frappé des dispositions extraordinaires du jeune Faraday. Il l’emmena entendre les dernières leçons d’un cours professé par sir Humphry Davy dans Albemarle-Street. Davy possédait à un suprême degré le don de charmer son auditoire ; c’était à ce point qu’il inspirait des passions, et que des ladies lui écrivaient des lettres au sortir de ses conférences. L’impression qu’il fit sur Michel Faraday décida de la vocation de ce dernier. Il a raconté lui-même cet épisode de sa vie dans une lettre adressée au docteur Paris, le biographe de Davy. « J’éprouvais alors, dit-il, un désir que je regardais comme un sentiment égoïste et presque coupable, — celui d’échapper aux travaux de mon métier afin de m’enrôler sous le drapeau de la science, car je m’imaginais qu’elle devait rendre aimables et généreux tous ceux qui la cultivent. Aussi pris-je la résolution hardie d’écrire à sir Humphry Davy pour lui faire connaître mon souhait et lui exprimer l’espoir qu’il voudrait bien m’aider à le réaliser, si l’occasion se présentait. » En même temps Michel portait à sir Humphry un gros volume in-4o dans lequel il avait soigneusement recopié des notes rédigées par lui d’après le cours qu’il venait de suivre. La réponse de Davy ne se fit pas attendre. Elle est datée du 24 décembre 1812 et fort poliment tournée. Davy remercie le jeune relieur de la marque de confiance qu’il lui a donnée ; il lui dit que ses notes trahissent une grande force de mémoire et d’attention, et lui donne rendez-vous pour le mois de janvier. Le jeune Faraday n’eut garde d’y manquer, et fut très bien accueilli par le grand chimiste, qui lui parla d’une place d’aide-préparateur vacante dans l’Institution royale. « Tout en contribuant à satisfaire mes aspirations scientifiques, raconte Faraday, il me conseilla de ne pas renoncer à la perspective que j’avais devant moi, me disant que la science est une rude maîtresse, et que, pécuniairement parlant, elle récompense mal ceux qui se vouent à son service. L’idée que j’avais conçue de la supériorité morale des savans le fit sourire, et il ajouta qu’il laisserait à l’expérience de quelques années le soin de m’éclairer à cet égard. »

On devine que Faraday ne se laissa point décourager. Il entra comme aide-préparateur à l’Institution royale au mois de mars 1813. Il y avait