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l’on arrive au but un peu fatigué du chemin qu’il a fallu faire. Il est vrai aussi que la patience est une vertu qui devient de jour en jour plus rare : on n’a plus le temps de lire comme on lisait autrefois, et ce qui nous paraît un défaut du livre n’est peut-être souvent qu’une imperfection du lecteur.

La verbosité et le manque d’élégance que l’on peut reprocher au style de Faraday font contraste avec l’admirable concision qui distinguait son discours. Il parlait lentement, on pouvait sans difficulté le suivre la plume à la main. Une diction choisie, un raisonnement toujours rigoureux et limpide, un merveilleux talent d’exposition, faisaient de lui un professeur accompli. Lorsque Faraday paraissait dans l’amphithéâtre de l’Institution royale, entouré de ses appareils, il avait quelque chose d’inspiré. La plus vulgaire expérience prenait entre ses mains un vif intérêt d’actualité ; de vieux chimistes oubliaient qu’ils l’avaient exécutée cent fois eux-mêmes, et le regardaient faire avec autant de plaisir que le plus simple novice. Rien d’instructif comme de le voir expérimenter lui-même. Entre ses mains, tout réussissait : on eût dit d’un prestidigitateur. Avec cela, une présence d’esprit comme elle n’est possible que chez quelqu’un qui possède à fond la matière qu’il traite. Quand par hasard dans le cours d’une expérience il surgissait une phase imprévue, il en profitait pour faire quelque digression qui ramenait le fait indocile sous les lois générales qu’il s’agissait d’expliquer. On voyait qu’il vivait dans son sujet, et son enthousiasme était contagieux ; il entraînait son auditoire, quoiqu’il ne sacrifiât jamais au désir de plaire et d’être applaudi. Il possédait l’art si rare d’électriser son public par un enseignement sérieux et en apparence aride. Ceux qui s’imaginent que, pour faire goûter la science, à un public profane, il est indispensable de l’entourer de fleurs de rhétorique oublient que comprendre est une jouissance, et que la procurer à ses auditeurs est la flatterie la plus délicate qu’on puisse adresser à leur intelligence.

L’Institution royale de Londres est un établissement privé. Elle a été fondée le 9 mars 1799 par une réunion de savans et de grands seigneurs, elle a pour objet « de répandre la connaissance et de faciliter l’introduction générale d’inventions mécaniques d’une utilité reconnue, et d’enseigner, par le moyen de cours réguliers, l’application de la science aux besoins de la vie pratique. » Le premier conseil s’était constitué de la manière suivante : sir Joseph Banks, président ; M. Thomas Bernard, secrétaire ; le comte Rumford, les earls de Morton et Spencer et M. Richard Clark, membres-propriétaires. L’association fondée par ces hommes éclairés a prospéré et porté ses fruits. Les professeurs de l’Institution sont choisis parmi les savans les plus éminens ; ils ont à leur disposition de vastes laboratoires, et peuvent consacrer des sommes considérables à des recherches expérimentales de tout genre. Les cours du