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douteuse. Flamsteed, dans ses mémoires, fait de lui un portrait qui, pour être peu connu, n’en offre pas moins des apparences de vérité. « Il m’a, dit-il, toujours paru insidieux, ambitieux, excessivement avide de louanges et supportant difficilement la contradiction. » Ces témoignages contemporains, si peu favorables au grand géomètre anglais, ne laissent pas, soit dit en passant, de peser aujourd’hui de quelque poids dans la question de sa correspondance avec Pascal.

La grande popularité de Faraday ne tenait pas seulement à l’élévation de son caractère, à la sympathie qu’il inspirait à tous ceux qui pouvaient l’approcher ; elle résultait surtout de la tournure pratique de son génie inventif. La plupart de ses découvertes sont venues à point ; il a résolu des problèmes d’une immense portée au moment où tout était préparé pour en tirer parti ; ses théories prenaient immédiatement pour ainsi dire chair et os et entraient de plain-pied dans le champ des applications. Si cette considération ne suffit pas pour marquer la place relative des hommes dans l’histoire des sciences ou pour apprécier la grandeur de leur génie, elle a une grande influence sur le jugement des contemporains. Il est des esprits profonds et subtils, mais qui passent inaperçus au milieu de la foule, parce qu’ils visent les étoiles.

. . . Volans liquidis in nubibus arsit arundo,
Signavitque viam flammis, tenuisque recessit
Consumpta in ventos…


D’autres se proposent un but terrestre, et l’atteignent ; ils rendent à l’humanité des services plus apparens et peut-être plus réels. S’ils font des théories, c’est pour les appliquer ; s’ils observent, c’est pour prévoir, et s’ils méditent, c’est pour passer à l’exécution. Faraday appartenait à cette catégorie de chercheurs qui ne perdent pas de temps en vaines spéculations. Ses vues théoriques n’ont pas toujours été adoptées par la science, mais les faits qu’il a découverts sont restés et ont porté fruit presque immédiatement. C’est ainsi, par exemple, que ses recherches sur les courans induits ont donné naissance aux bobines d’induction et aux machines magnéto-électriques, qui ont transporté l’étude expérimentale de l’électricité sur un terrain tout à fait nouveau, et qui nous ouvrent sur l’avenir des perspectives inattendues.

Faraday échafaudait ses doctrines sur un fondement de preuves matérielles qu’il savait grouper avec cette logique pour ainsi dire instinctive qui distingue les grands expérimentateurs. Les découvertes qu’il a faites sont dues beaucoup moins à des éclairs de génie qu’à un travail persévérant qui trahit un enfantement laborieux. Tout ce qu’il a écrit est original et plein d’idées, mais le manque de clarté et de concision rend quelquefois la lecture de ses mémoires assez pénible. Il vous promène par une foule de détours afin d’assurer chaque pas à mesure qu’on avance, et