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seconde. On ne connaît point exactement la situation de la compagnie Cunard, qui exploite indépendamment du service postal un service de steamers organisés pour les transports du commerce ; on sait seulement que cette entreprise jouit d’un grand crédit et qu’elle doit son succès à la direction habile et probe de son fondateur. Quant aux compagnies françaises, les bénéfices distribués en 1866, — 2,800,000 francs pour la Compagnie générale transatlantique et 5,500,000 francs pour la compagnie des Messageries impériales, — sont de beaucoup inférieurs au taux de la subvention ; en d’autres termes, s’il n’y avait pas eu de subvention, les deux entreprises eussent été en perte. Ces calculs démontrent qu’en France comme en Angleterre le service postal eût été impuissant à couvrir ses frais, qu’il n’aurait pas été créé, ou qu’il aurait succombé, si les gouvernemens n’avaient point contribué dans une juste mesure aux dépenses exceptionnelles qu’entraîne un tel service. Ils prouvent également que le taux des subventions n’a point été exagéré, puisque le dividende réparti entre les actionnaires n’a pas dépassé 6 ou 7 pour 100.

On ne saurait donc prétendre que l’argent du trésor a été gaspillé lorsque les gouvernemens l’ont employé à seconder la création des entreprises qui exploitent les grands services maritimes. En réalité, ces entreprises ont largement profité au public et elles lui ont peu coûté. Chaque année, la dépense diminue en proportion de l’augmentation régulière des recettes postales qui entrent directement dans les caisses de l’état. Elle doit diminuer encore à mesure que le commerce et les relations se développeront sur les parcours où la route est aujourd’hui frayée, car les compagnies, mieux rémunérées par les transports commerciaux, pourront effectuer à un moindre prix le transport des correspondances. Déjà en Angleterre, par l’effet de ces deux causes, l’on prévoit une diminution sensible du taux des subventions. On y arrivera plus lentement en France, parce que les conditions de l’exploitation commerciale sont moins favorables, nos rapports avec les pays lointains étant beaucoup moins actifs. Du reste, dans les deux pays, une subvention sera toujours nécessaire, attendu que l’état doit payer non-seulement le prix d’une vitesse supérieure et de la régularité des voyages, mais encore les études et les expériences à faire pour accroître cette vitesse et pour perfectionner l’instrument du transport. L’administration qui sera chargée de préparer les contrats, sous la réserve du contrôle législatif, aura à tenir compte des progrès réalisés et de l’expérience acquise en France et en Angleterre. Maintenant que les entreprises sont bien organisées, on devra veiller à ce que, sans sacrifice inutile, elles demeurent en état de conserver le rang qu’elles