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subventionnés par les gouvernemens. La rapidité, poussée au point extrême et comme il convient de l’obtenir pour les correspondances, est une marchandise très coûteuse que tous les voyageurs et que toutes les marchandises ne sont pas en état de payer. Il était donc nécessaire de posséder, à côté des steamers les plus rapides, une catégorie de navires qui, sans avoir le même degré de vitesse, fussent cependant capables de procurer le transport accéléré et régulier que la voile refuse trop souvent et que la vapeur seule peut donner. Grâce aux constructions en fer et à l’hélice, c’est-à-dire grâce aux études poursuivies d’abord dans l’intérêt des paquebots-postes, ce type de navire existe, et il sillonne aujourd’hui toutes les mers ; il effectue les longues traversées aussi bien que le cabotage, il transporte à bas prix les modestes émigrans et les lourdes marchandises ; utilisant à la fois la vapeur et la voile, il se plie aux services les plus variés et il remplace peu à peu l’ancien matériel. C’est en Angleterre, pays de fer et de houille, que cette substitution s’accomplit le plus rapidement. La navigation à vapeur présente un tel avantage de sécurité, si on la compare avec la navigation à voiles, qu’elle a déjà enlevé à sa rivale la presque totalité des transports de voyageurs. La statistique des naufrages, dressée avec beaucoup de soin par l’administration anglaise, est à cet égard très éloquente. Il y a huit fois moins de risques de naufrage à la vapeur qu’à la voile, et, si l’on ne fait porter la comparaison que sur les steamers qui sont affectés spécialement aux passagers, la proportion est encore beaucoup moindre. Quant aux marchandises, bien que le fret par la vapeur reste plus coûteux, on obtient d’un autre côté une économie sensible, non-seulement par suite de la rapidité des traversées (ce qui diminue d’autant l’intérêt du capital engagé), mais aussi à raison de la sécurité, qui amène une réduction dans le taux des assurances, soit pour les navires eux-mêmes, soit pour les produits. D’après les calculs de M. Flachat, cette réduction ne représenterait pas moins de 400 ou 500 millions par an pour l’ensemble des transports océaniens, si la vapeur était seule employée. Telle est l’importance de la transformation du matériel naval, transformation dont l’origine et les développemens doivent être attribués pour la plus grande part à la création des paquebots-postes.

On compte actuellement près de 200 paquebots subventionnés par la France, l’Angleterre et les États-Unis. La valeur de ce matériel dépasse 400 millions de francs. Les trois grandes entreprises anglaises, la compagnie Royal-Mail, qui dessert le golfe du Mexique, les Antilles, le Brésil et la Plata, la compagnie Cunard, qui fait le service entre l’Angleterre et les États-Unis, la Compagnie péninsulaire et orientale, qui est chargée des transports dans la Méditerranée et dans les mers des Indes et de la Chine, emploient 87