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et en Angleterre les compagnies concessionnaires des services maritimes emploient des navires d’une dimension supérieure à celle qui-est prescrite par leurs contrats, et l’on apprécie mieux la portée de l’expérience à laquelle se sont livrés les constructeurs du Great-Eastern. Nous sommes bien loin encore des 24,000 tonnes et des 2,600 chevaux de cet immense navire ; mais nous savons dès à présent que l’on pourra, quand cela sera nécessaire, atteindre de pareils chiffres, et les générations futures nous devront quelque gratitude d’avoir, au début même de la création des paquebots, étudié et travaillé pour elles.

Les premiers paquebots étaient construits en bois. Le bois n’a point tardé à céder la place au fer. Au point de vue de la construction, l’établissement des grandes usines où l’on prépare le fer assure aux chantiers une abondance d’approvisionnemens et une économie que l’on n’obtient pas au même degré avec l’emploi du bois. Le bois doit être choisi avec le plus grand soin, il faut souvent le faire venir de longues distances ; il demande à être conservé dans de vastes magasins et amené à l’état complet de siccité avant d’être affecté utilement aux constructions navales ; les ouvriers qui le travaillent, les charpentiers de navires, forment un corps d’état dont l’effectif, naturellement limité, devient insuffisant lorsque les commandes affluent dans les chantiers, et dont les exigences, d’ailleurs fort légitimes, tendent à élever le prix de la main-d’œuvre. Avec le fer, ces inconvéniens disparaissent. Aujourd’hui tous les peuples avancés en industrie possèdent des usines où le métal est traité avec une grande perfection et qui suffisent promptement à toutes les commandes. Une coque de navire est fabriquée comme un simple outil, démontée et transportée pièce par pièce et rendue sur le chantier ou sur le lieu d’emploi, pour y être assemblée et mise en service. On n’a plus à subir les dépenses d’approvisionnement et de conservation de la matière ; on n’a plus à redouter la rareté des ouvriers. Le génie maritime trouve dans l’industrie métallurgique un auxiliaire toujours prêt » qui peut étendre au premier signe ses moyens de production, et qui lui offre d’inépuisables ressources, surtout depuis que le libre échange permet au constructeur de s’adresser aux manufactures étrangères. Pour l’exploitation, les navires en métal présentent de nombreux avantages : une plus longue durée ; à dimensions égales, plus de capacité et de légèreté, ce qui augmente le revenu du fret ; plus de sécurité, parce qu’il est plus aisé de multiplier et d’isoler les compartimens du navire et de parer ainsi aux dangers des voies d’eau et de l’incendie ; enfin de meilleures conditions de salubrité, parce que le maintien de la propreté intérieure et l’expulsion des eaux de cale y sont plus faciles. Aussi les bâtimens en fer prennent-ils une place de plus en plus