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doit même ajouter qu’il a été construit en dehors des données de la pratique, parce que son tirant d’eau de 8 mètres lui ferme la majeure partie des ports de commerce. Il porte ainsi la peine de sa puissance, il est supérieur à son temps ; mais au point de vue nautique il fournit la démonstration la plus éclatante des dimensions que peut réaliser l’art de l’ingénieur. Il a navigué, il a affronté avec succès toutes les fortunes de mer ; s’il n’enrichit point les capitalistes qui se sont associés à l’audace de Brunel, s’il doit, lui aussi, gémir sur sa grandeur qui le retient trop souvent au rivage, il compte dans ses états de service l’une des plus grandes œuvres de la civilisation moderne, la pose du premier câble électrique entre les deux mondes. Il a donc fait noblement ses preuves, et il a résolu avec un plein succès le problème des navires énormes que prédisait Scoresby. Quelle est la conséquence de cette démonstration ? C’est que les dimensions des grands paquebots peuvent être augmentées bien au-delà des dimensions actuelles, c’est que la jauge de 4,000 tonnes pourrait être sextuplée sans péril et même avec un surcroît de sécurité et de vitesse, c’est que les relations, transocéaniennes, à mesure qu’elles se développent, sont assurées de trouver à leur portée un instrument de transport qui se développera pareillement en proportionnant sa puissance aux services qui lui seront demandés.

Quant à la vitesse, c’est-à-dire à la condition essentielle du service des paquebots, l’agrandissement des navires la réalise de la façon la plus certaine, ainsi que l’établissent les expériences faites par la marine militaire comme par la marine commerciale. Les grandes dimensions des navires et leur grande puissance motrice dominent l’agitation de la mer et de l’air, agitation qui crée l’obstacle le plus sérieux à la rapidité de marche. « Ce qu’on ignorait, dit M. Eugène Flachat, et ce qui est une découverte aussi riche d’avenir pour les transports maritimes que le sont les chemins de fer pour les transports sur terre, c’est qu’il y a entre la plus grande agitation de la mer et la plus grande dimension d’un navire une relation qui assure à ce dernier la supériorité en le laissant maître de sa stabilité, de sa puissance motrice et de sa direction. C’est là la grande leçon donnée par cette succession de navires de plus en plus grands, de plus en plus puissans. La vitesse croissante et la régularité des trajets, la nature même des rares accidens qui ont suspendu leur marche et qui sont dus sans exception à quelque pièce de la machine, à un défaut, à un oubli, ont démontré que la voie des grandes dimensions était la seule rationnelle, puisqu’elle aboutissait à la satisfaction de cet intérêt de vitesse qui semble placé au premier rang de tous ses besoins qui s’attachent aux moyens de communication. » On comprend ainsi comment en France