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maintenus sans changement dans le petit monde australien délaissé au milieu des mers. C’est en effet là ce qui a dû arriver. L’Australie de nos jours présente dans sa faune et dans sa flore la plus grande analogie avec les animaux et les plantes qui vivaient dans les mers du Jura d’Europe et sur leurs rivages. A la vue des kanguroos australiens, qui rappellent les marsupiaux fossiles, et de cet étrange ornithorhynque, non moins bizarre que l’ancien ptérodactyle, moitié oiseau, moitié batracien, on ne peut s’empêcher de croire que l’Australie se rattachait au grand continent boréal pendant l’époque jurassique. C’est sur les côtes de la Nouvelle-Hollande, rappelle le géologue Marcou, que l’on retrouve aujourd’hui les seuls représentai vivans de ces trigonies qui peuplaient jadis les mers du Jura.

Ainsi le groupe des îles australiennes, aussi bien que l’archipel distinct formé par les îles de la Sonde, serait composé de terres ayant appartenu au continent à des époques plus ou moins éloignées de nous. On peut en dire autant des îles de la mer Egée, de celles du Danemark et de la plupart des terres qu’entourent des eaux peu profondes dans le voisinage des côtes. Dans le Nouveau-Monde, les régions situées aux deux extrémités du double continent, l’archipel polaire et le dédale des îles magellaniques, sont également sans nul doute des fragmens découpés par d’innombrables canaux de formation récente. Quant aux grandes îles de la Méditerranée, Chypre, la Crète, la Sicile, la Sardaigne, la Corse, les Baléares, elles sont aussi très probablement les restes de contrées plus étendues qui se rattachaient à ces parties du monde qui sont aujourd’hui l’Asie, l’Europe et l’Afrique, — car bien que ces terres, à l’exception de la Sicile, surgissent toutes du fond d’abîmes ayant en moyenne de 1,000 à 2,000 mètres de profondeur, cependant les espèces fossiles et vivantes des îles méditerranéennes ne diffèrent point de celles des continens voisins, et c’est là par conséquent qu’il faut en chercher l’origine. Au point de vue géologique, on peut même dire que toutes les côtes du bassin occidental de la Méditerranée, l’Espagne, la Provence, la péninsule italique, Tunis, l’Algérie, le Maroc, forment avec les îles voisines un ensemble bien plus nettement déterminé que ne l’est, par exemple, l’Europe actuelle, du détroit de Gibraltar aux bords de la Caspienne : en dépit des gouffres qui les séparent, les terres situées en face l’une de l’autre des deux côtés de la mer ont gardé une physionomie semblable dans les terrains, la flore et la faune.

Les îles d’origine continentale que l’on peut désigner comme d’antiques dépendances soit de l’ancien monde, soit du nouveau, sont donc très nombreuses, et couvrent en superficie un espace