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retardent la marche, et pour lesquels ils peuvent être pendant les tempêtes la voie du salut ou le chemin de la mort. En outre le gulfstream et ses courans partiels sollicitent d’autant plus les recherches des savans qu’ils sont, après les rayons solaires, les principaux agens du climat dans l’Europe occidentale : en portant vers le nord les eaux tièdes et la douce température de la mer des Antilles, ils ramènent pour ainsi dire l’équateur vers les îles britanniques, la France et les pays voisins ; c’est au flot méridional qui baigne leurs rivages que les peuples civilisés de l’Europe doivent leur climat tempéré, leur richesse agricole, et par suite une part très notable de leur puissance matérielle et morale. Les autres courans océaniques n’ont point le même intérêt pour les nations européennes ; aussi leur régime ne sera-t-il longtemps encore que vaguement connu, surtout dans les parages où les vents produisent des mouvemens superficiels qui cachent la marche des eaux profondes et dans ceux où s’opère le croisement de deux courans se propageant en sens contraire. Là les observations doivent être faites avec d’autant plus de soin que les objets flottans sont fréquemment entraînés dans une direction opposée à celle du courant principal. C’est ainsi que sur les côtes des landes françaises longées du sud au nord par la branche du gulfstream connue sous le nom de courant de Bermell les épaves sont transportées dans la direction du sud par le mouvement superficiel de la houle. De même les montagnes de glace qui passent au large de Terre-Neuve, battues par les vagues courtes et pressées qui marchent au nord, n’en descendent pas moins vers le sud, sous la pression du courant polaire où elles plongent par la base.

Quant au mouvement vertical des eaux marines produit par l’ondulation régulière du flux et du reflux, il a été beaucoup plus étudié que le mouvement de translation des courans. Tandis que les astronomes rattachaient de la manière la plus précise ce phénomène de l’océan à la marche des corps célestes, les observateurs dès ports mesuraient les amplitudes diurnes et calculaient le retour de la marée avec le soin le plus minutieux, bien justifié d’ailleurs par l’intérêt de la navigation. Désormais la théorie générale du flux est parfaitement connue, et sur les côtes de l’Europe et des autres contrées fréquemment visitées par les marins le va-et-vient des eaux est rigoureusement prévu ; mais dans les mers lointaines que de faits secondaires, que de phénomènes locaux encore incompris ! C’est que, pour suivre les marées dans leurs fluctuations à travers les mers, il ne suffit pas de connaître les lois de la gravitation et de calculer avec précision la marche et la position des astres, il faut aussi connaître tous les faits relatifs aux mouvemens des fluides