Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/970

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recherches des navigateurs et des savans qui sont entrés dans la voie si brillamment ouverte, la connaissance des choses de la mer s’est très rapidement accrue dans les dernières années, et le champ de notre vue s’étend chaque jour, pour ainsi dire, dans les abîmes jadis si mystérieux du profond océan. Dans l’étude qui va suivre, nous résumerons d’une manière générale l’état de nos connaissances sur les questions de physique et de géographie maritimes encore discutées par les savans. Il importe de nous rendre compte des recherches les plus récentes faites à cet égard, car la science de la mer est encore bien loin d’être établie.


I

Si ce n’est vers les deux pôles, où des espaces considérables comprenant ensemble à peu près la seizième partie de la rondeur du globe restent encore inconnus, la surface des mers est assez rigoureusement délimitée sur les cartes ; les corrections faites en divers points des côtes par les marins, et les astronomes n’en peuvent modifier que très faiblement le tracé. Toutefois, si la largeur des mers est mesurée, la profondeur des bassins océaniques n’est connue d’une manière certaine que pour des zones peu étendues. Hors des mers fermées, des golfes et des estuaires, les navires voguent presque partout sur des gouffres insondés.

Un fait est certain, c’est que le relief du sol sous-marin n’offre point d’inégalités aussi grandes que celles des terres émergées. En général il s’étend en surfaces aux longues ondulations et aux pentes douces. Les matelots que le vent ou la vapeur emporte rapidement sur les eaux et qui jettent le plomb de sonde à des distances d’ordinaire assez éloignées les unes des autres sont tentés de s’exagérer l’importance des inégalités du fond et de voir des « sauts » et des précipices là où la déclivité du sol est en réalité peu considérable. On peut se faire une idée des étendues sous-marines à la vue des contrées émergées à une époque relativement récente. Les landes françaises, les terres basses qui ont remplacé l’ancien golfe du Poitou, une grande partie du Sahara, les pampas de la Plata, fournissent des exemples remarquables de la régularité d’inclinaison qu’offre en général le fond des mers. Même les côtes rocheuses, comme celles de l’Ecosse et de la Scandinavie, ont été partiellement nivelées sur le pourtour du littoral que recouvraient jadis les eaux de l’Atlantique. L’apport incessant des alluvions fluviales, les débris des rocs érodés par les flots et surtout les restes de ces organismes pullulans qui remplissent la mer ont pour