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Dans les conditions qui viennent d’être décrites, il était difficile qu’une exposition de fils et de tissus de coton apportât beaucoup de noms nouveaux. En revanche tous les vétérans sont à leur poste et dans le nombre les lauréats de vingt concours, les Dollfus, les Bourcart, les Kœchlin, pour ne citer que ceux-là. Quant aux produits, ceux qui s’adressent au monde élégant conservent-la grande tournure d’autrefois ; ceux qui desservent des besoins plus modestes ont de l’aspect et une solidité relative. C’est l’Alsace qui cette fois encore mène la phalange ; elle embrasse tous les genres ornés ou unis dans les cadres de son travail ; aucun détail ne lui échappe ni dans la filature, ni dans le tissage, ni dans l’impression ; elle y ajoute les cotons à coudre et à broder, simples ou retors. La Normandie entre en partage pour les mêmes fabrications, et elle en a en outre une qui lui est propre, la rouennerie, c’est-à-dire des pièces d’étoffes ou de mouchoirs teints en fil et comportant quelques motifs d’ornement. Rien de plus curieux que cette industrie, l’une des plus vigoureuses que nous ayons et qui a pour principal siège les campagnes du pays de Caux. L’ouvrier est ici un véritable entrepreneur qui achète ses fils et vend son tissu en cherchant à se ménager sur cette opération un bénéfice qui représente son salaire. Quand ce n’est pas l’ouvrier lui-même qui spécule ainsi, c’est une sorte de facteur rural qui se substitue à l’ouvrier, lui fait des avances et s’en couvre par la vente. Le compte final s’établit à la halle de Rouen : des montagnes d’étoffes y sont en moins de quelques heures converties en argent soit par un marché direct, soit au moyen d’intermédiaires. Un autre article particulier à la Normandie, c’est la toile destinée aux pays nègres ou arabes : le Sénégal prend des guinées bleues, l’Algérie des pièces écrues portant une invocation à Dieu et au prophète. Pour la Picardie, le vrai titre est dans la variété et l’abondance des assortimens ; les attributions se partagent entre Saint-Quentin et Amiens, ou plutôt entre les campagnes environnantes ; Saint-Quentin excelle dans les articles de blanc, jaconas, nansouks et gazes, Amiens dans les étoffes mélangées et tirées à poil. Enfin Tarare et Roanne offrent le contraste d’objets de luxe, comme la tarlatane et la broderie riche, et de futaines ou draperies communes qui sortent des ateliers de leurs montagnes. Dans tout cela, il y a sans doute des efforts sérieux, un désir de perfection, un soin des détails qui frappent les hommes du métier ; mais pour la foule il n’y a plus de surprises, et elle en est avide par-dessus tout.

Les envois des pays étrangers sont l’objet du même délaissement, peut-être parce qu’ils sont en petit nombre. Manchester et Glasgow, de qui il y aurait eu tant à attendre, se sont