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principalement celles qui proviennent des graines japonaises, ont retrouvé le brillant et le nerf des soies qu’on récoltait des deux côtés des Alpes dans les années saines. Serait-ce donc que l’Italie a découvert le spécifique qui manque à la France, ou bien ne faut-il voir dans ce succès apparent qu’un triage plus attentif des écheveaux et une plus habile mise en scène ?

Quoi qu’il en soit, à défaut de l’Italie, notre soierie était mise en demeure de se procurer sur d’autres marchés un supplément de provisions ; elle l’a fait patiemment et de proche en proche, sur le littoral de la Méditerranée d’abord, dans les Calabres, dans l’Asie-Mineure, dans les chaînes du Liban. Partout le fléau avait tracé sa voie ; les quantités devenaient rares, et la graine était infectée. Bon gré, mal gré, il a fallu pousser plus loin. C’est ainsi que du Bengale on est allé en Chine et de la Chine au Japon. Dans cet extrême Orient, la moisson du moins a été abondante, c’était le point essentiel, mais que de difficultés encore ! Aucune de ces soies n’avait été régulièrement traitée ; beaucoup d’entre elles étaient chargées de corps hétérogènes. Pour les approprier à nos métiers, il y avait à les reprendre de fond en comble, à les soumettre à un décreusage énergique qui les dégageât des impuretés. Bien des veilles et des soins ont été dépensés dans cette œuvre de préparation, qui nous a valu toute une famille de soies nouvelles d’un prix modéré et d’un bon emploi. On est allé plus loin, on a agi sur le cocon même ; rien n’était plus délicat. Jusqu’à ces derniers temps, le cocon était regardé comme un objet d’un transport impossible ; tout lui est contraire, la compression, l’état de l’atmosphère : c’est comme un fruit mûr qui ne peut être consommé que sur place. Le ver qu’il renferme ne peut se dissoudre sans altérer son enveloppe. Tels étaient les obstacles ; ils ont été vaincus. Les cocons sont devenus transportables sans dépréciation, voici comment : on les étend sur le sol en couches légères et on les soumet à l’action d’un soleil d’été. Au moyen de ce traitement, non-seulement les chrysalides périssent asphyxiées comme dans des fours et des étouffoirs, mais à la longue elles passent à l’état complet de dessiccation ; ce n’est plus un débris animal, c’est une poussière inerte. Plus de décomposition à craindre, plus de bavure, par conséquent plus de souillure possible pour les brins de soie. Alors au moyen d’un appareil mécanique les cocons sont aplatis, pressés, comme le seraient des figues sèches, et disposés par couches dans des caisses ou des ballots. Des ports du Liban, ils arrivent ainsi à Marseille, d’où ils sont dirigés vers les filatures où le dévidage doit s’opérer.

Dans les circonstances où elle se trouvait, l’industrie des soieries s’est donc défendue aussi bien que possible ; elle a paré au plus