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d’environ cinquante mille volumes[1] ? Ceux qui ont contracté d’autres habitudes peuvent se rendre au fumoir, smoking-room, une fort belle salle qui se divise en deux compartimens ornés d’une manière différente, quoique dans l’un et l’autre se trouvent de distance en distance de petites tables de chêne placées en face de longs sophas recouverts d’un cuir à couleur foncée. Les fenêtres s’ouvrent sur la Tamise, et quelques députés y viennent prendre l’air durant les intervalles d’un long débat ; une sonnette qui communique à l’étage supérieur les avertit quand la chambre est sur le point de voter. Il y a aussi une somptueuse salle à manger dans laquelle deux ou trois cents membres commandent presque tous les jours leur dîner, et un comité nommé par l’assemblée est chargé de veiller à cette branche du service[2]. Outre ces centres officiels de réunion, se rencontrent dans le palais des chambres plus ou moins isolées, des recoins formés dans les corridors par les embrasures des fenêtres, où quelques amis peuvent s’asseoir et causer entre eux des nouvelles du jour. Les Anglais traitent la politique en hommes d’affaires, et il leur faut de temps en temps au milieu de la discussion générale l’intimité du tête-à-tête pour arriver au choix des moyens qui peuvent assurer le succès ou la défaite de telle ou telle mesure. Ces mille retraites pratiquées dans la grande ordonnance de l’édifice composent en quelque sorte les coulisses de la chambre des communes.

Au début de la session, une des premières formalités est l’élection du président, speaker. Assez ordinairement les chefs des deux partis qui divisent la chambre se consultent et s’entendent entre eux sur le choix qu’il convient de faire. On est ainsi d’autant mieux assuré du caractère d’impartialité avec lequel seront conduits les débats. Le mode d’élection est assez curieux : l’un des députés se lève, et, adressant la parole à un des secrétaires (clerk of the table),

  1. Cette bibliothèque (the house of commons’ library) se divise en quatre chambres paisibles et charmantes, qui, bien qu’elles communiquent de l’une à l’autre, peuvent s’isoler, quand on veut, au moyen de portières richement damassées. Le plafond en chêne est orné de panneaux et d’enluminures. Les armoires à rayons sur lesquels reposent les livres sont autant d’ouvrages de boiserie habilement fouillés par le ciseau, Au milieu de la chambre s’étend une table entourée de fauteuils à dossiers de cuir armorié et éclairée par deux candélabres à neuf becs de gaz. Le parlement alloue une somme annuelle de 800 liv. sterl. (20,000 fr.) pour l’entretien de la bibliothèque et l’achat des ouvrages nouveaux.
  2. Ce comité choisit une sorte de maître d’hôtel qui entreprend la spéculation à ses risques et périls, mais qui, n’ayant point de loyer, d’argenterie, de vaisselle, de gens ni de charbon à payer, peut naturellement servir les plats à meilleur marché qu’un restaurant ordinaire. La carte est soumise au comité, qui fixe lui-même le tarif. Les étrangers sont admis à partager au même prix le dîner des députés, quoique dans une autre salle.