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funéraires ? on arrêta jusqu’aux travaux du cloître, dont les murailles aujourd’hui croulantes affligent l’œil, et encombrent la voie publique.

Cette déception, succédant aux rigueurs imprévues de la critique berlinoise, eût ébranlé la fermeté de plus d’un peintre ; elle n’arracha pas une plainte à Cornélius, elle ne diminua pas son ardeur, elle ne ralentit pas un seul jour des labeurs qui, bien que s’appliquant à de simples projets, n’en ont pas moins produit une des œuvres les plus importantes de l’artiste. Je n’essaierai pas d’exposer la division architectonique assez compliquée qui devait servir de cadre à ces compositions ; qu’il suffise de savoir qu’elles auraient formé un ensemble de quinze fresques principales hautes de 40 pieds et larges de 20, surmontées chacune d’une lunette à fond d’or, portées sur un socle décoré de grisailles, et que ces compartimens auraient été séparés par des niches simulées, au nombre de huit, qui devaient recevoir des groupes peints en style statuaire sur des piédestaux richement ornés. Selon les propres paroles de ses interprètes les plus authentiques, M. Bruggemann, son beau-frère, et M. Charles Cornélius, professeur d’histoire à Munich, son neveu, dans un écrit qu’ils ont annexé aux esquisses du maître, il se proposait « de représenter dans un vaste cycle les destinées universelles et suprêmes du genre humain, telles qu’elles sont manifestées par les révélations des livres saints, c’est-à-dire le règne de la grâce en face de la corruption humaine, la rédemption, la mort, enfin le triomphe de la vie et de l’immortalité. » Dans quatre séries de peintures étroitement liées entre elles, il voulait offrir sur les faces est et ouest du cloître l’apparition du Christ parmi les hommes, le rachat de l’humanité déchue et la proclamation de la nouvelle alliance ; sur la muraille du sud, il eût montré la continuation de l’œuvre de Jésus par les apôtres, la fondation de l’église et la propagation de l’Évangile, tandis que la muraille du nord aurait offert la consommation des siècles et l’achèvement des destinées terrestres du genre humain. Le tout formait cinquante-cinq esquisses, dont seize cartons seulement ont été terminés. Si le plan de Cornélius avait pu s’exécuter, il n’y aurait eu rien d’analogue dans l’histoire de la peinture ; on n’eût pu comparer à cette œuvre ni les peintures macabres des vieux cimetières allemands, suisses ou français, terrible, mais monotone répétition de la danse des morts, ni celles de la chapelle Sixtine, qui représentent avec l’enfer la gloire de l’église, triomphante, ni même les fresques du Campo-Santo de Pise, où l’on voit, à côté des puissantes images de la mort et du jugement par Orcagna, la première vendange de Noé et la construction de la tour de Babel par Benozzo Gozzoli. Ce