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LA
PEINTURE MONUMENTALE
EN ALLEMAGNE

PIERRE CORNELIUS.

On a vu s’accomplir, il y a trente ou quarante ans, en Allemagne une des tentatives où l’on reconnaît le plus clairement le caractère d’ambition juvénile qui distingue la première moitié du XIXe siècle, et qui tranche si singulièrement avec notre prudence actuelle, mêlée de frivolité et de désenchantement. On conçut l’idée de rendre à l’art le rôle social qu’il avait en Grèce dans l’antiquité et en Italie à l’époque de la renaissance ; on essaya d’élever la peinture à la dignité d’une interprétation populaire des grands enseignemens moraux et religieux dans des œuvres faites pour décorer les monumens publics et frapper tous les regards au lieu de servir au luxe des demeures privées et à la satisfaction d’un goût passager. Cette entreprise, accueillie d’abord avec intérêt et bientôt avec enthousiasme, n’était point née cependant d’un entraînement général ; elle procédait d’une seule pensée, d’une seule volonté, elle avait pour promoteur et elle a eu pendant plus de cinquante ans pour guide un seul homme, Pierre Cornélius. Les grands desseins de cet audacieux esprit seraient, il est vrai, restés à jamais irréalisables, si, par une rencontre imprévue, la faveur d’un prince passionné pour les arts n’eût mis à sa disposition les ressources d’un