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que-là à l’obligation mexicaine. Ce qui est regrettable, c’est que le trésor n’a pas cru devoir s’abstenir de négocier à une société de banquiers et par conséquent de répandre dans le public une valeur dont la dépréciation ne pouvait plus être prévenue. Il y a de curieux rapprochemens de dates à faire à cette occasion. C’est au mois de septembre 1865, pour être commencée en décembre, que l’opération fut conclue entre le ministre des finances et les banquiers. Or c’est dans l’automne de 1865 que la polémique diplomatique des États-Unis avec notre gouvernement au sujet des affaires mexicaines prit l’accent vigoureux ; c’est au commencement de janvier 1866 que M. Drouyn de Lhuys fit connaître à M. Sewart notre prochaine évacuation du Mexique. Si le ministre des finances eût été instruit autant et aussitôt que le ministre des affaires étrangères des difficultés et des résolutions décisives de la politique, nous ne voulons pas croire qu’il eût tenté en un tel moment une émission d’obligations mexicaines. Ce qui est déplorable, c’est qu’on en ait placé pour une somme de 15 millions à un prix égal ou supérieur à 300 francs, lorsqu’elles allaient, par le changement de nos desseins politiques, entrer dans la période où elles finiraient par ne plus valoir que 100 francs. Ce n’est pas le métier de la trésorerie d’un grand pays de faire aux dépens du public, trop tard informé, de pareils bénéfices. Si le trésor avait une âme, bien loin de chercher à imposer juridiquement à ses co-contractans l’application à 300 francs des 28 millions d’obligations mexicaines qui lui sont restées, il devrait gémir d’en avoir vendu si intempestivement à ce prix pour 15 millions aux banquiers et au public.

Il suffit aujourd’hui de prononcer le nom du Slesvig pour éveiller des inquiétudes sur les entraînemens de l’ambition prussienne et sur le maintien de la paix. Quel que soit le formalisme un peu pédant et hargneux de la diplomatie de Berlin, il n’y a point à redouter que les transactions engagées aujourd’hui sur le Slesvig en viennent à troubler la paix de l’Europe. Il s’agit d’une concession à laquelle la Prusse paraît résignée : autant vaudrait la faire de bonne grâce. Le district nord du Slesvig, à peu près la moitié du duché, doit faire retour au Danemark, si la volonté en est exprimée par la majorité de la population consultée. Que la diplomatie prussienne consente à laisser librement parler cette population ! L’interpellation adressée au cabinet de Copenhague touchant les garanties de bon gouvernement qui seraient données au petit nombre d’Allemands disséminés dans le nord du Slesvig avait une apparence de prépotence tracassière et mesquine ; le gouvernement danois a eu meilleur air et meilleure façon en répondant avec dignité que les Allemands du Slesvig trouveraient amplement ces garanties dans les institutions libérales qui régissent le Danemark. Que la Russie, l’Angleterre, la France, assistent et se mêlent à l’entretien du Danemark avec la