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distinction, l’ordre, la lumière, d’un seul mot la vérité. C’est la raison qui sur les notions primitives ou nécessairement liées à nos intuitions nécessaires, savoir la causalité, l’infinité, la personnalité, édifie l’idée d’un Dieu dont elles sont les caractères les plus saillans, et la foi dans son existence.

Cette croyance se fonde sur une évidence plutôt dérivative qu’intuitive, mais elle n’en est pas moins naturelle. Elle réclame sans aucun doute le concours de toutes nos facultés ; elle résulte d’un travail de l’esprit, qui s’est élevé à la conception de certains principes métaphysiques et qui en fait emploi sous la loi rigoureuse de la méthode inductive. Rien n’est donc plus hasardé que d’admettre une opposition absolue entre la foi et la raison, et généralement on doit se garder de supposer, comme plus d’un théologien et plus d’un philosophe, nos facultés en lutte les unes avec les autres ; notre esprit est un tout harmonieux, ou du moins un instrument compliqué, mais susceptible d’être mis d’accord, et la réflexion, la méthode, la philosophie, la science en général a pour objet et pour tâche de ramener à une concordance absolue le jeu des diverses parties de notre organisme intellectuel et moral. La théodicée en particulier ne peut donc être exclusivement ni intuitive ni rationnelle, ni empirique ni spéculative. Dans un dernier chapitre très intéressant, M. M’Cosh s’attache à énumérer et à évaluer tous les élémens dont elle se compose. Il va même jusqu’à tirer de son analyse les preuves principales de la théologie révélée. Sa démonstration serait plus forte, si, plus en défiance de son imagination, il n’avait pas abusé du style métaphorique et prodigué les images et les comparaisons ; mais, telle qu’elle est, elle abonde en remarques justes ou ingénieuses, et nous ne pouvons que savoir gré à l’auteur d’avoir déclaré que, forcé de choisir entre les diverses méthodes théologiques au lieu de les compléter et de les rectifier les unes par les autres, il préférerait encore, bien qu’en le trouvant insuffisant, le rationalisme religieux. C’est conclure en philosophe.

Cette esquisse assurément trop légère des vues métaphysiques de deux écrivains peu connus parmi nous suffit pour indiquer combien chez nos voisins les questions générales de philosophie religieuse continuent d’être étudiées avec suite et avec liberté, et combien nous aurions à gagner de nous tenir au courant des recherches et des controverses qui se reproduisent incessamment chez eux touchant ce grave sujet. On grand nombre d’autres ouvrages pourrait être cité. Aucun sans doute n’est capital et décisif ; aucun n’est indigne d’attention. Tous attestent, même dans l’église établie, un besoin et une puissance d’examen qui dénotent à la fois des esprits hardis et contenus, deux qualités assez rarement unies parmi nous.