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les obscurités et les contradictions dont profiterait un scepticisme plus près qu’il ne croit d’être athée. Encore moins peuvent-elles être données comme l’expression claire et innocente de cette foi naïve en Dieu, la consolation et l’espérance de l’humanité. On doit s’étonner surtout que des théologiens aient adopté sans restriction des expressions incompatibles avec le dogme chrétien. On ne voit pas en effet comment Dieu, sans cesser d’être l’absolu, se serait fait homme, et l’incarnation est contradictoire avec une certaine idée de l’infini. Or on peut admettre que le christianisme ne soit pas la règle de la philosophie : mais on ne doit pas sans nécessité adopter un langage philosophique qui démente le christianisme. Ce sont autant de motifs qui prouvent qu’avant d’attaquer dans ses principes rationnels la croyance en Dieu, Hamilton et M. Mansel auraient dû s’assurer avec plus de soin, plus d’exactitude, du sens et de l’expression de ces principes, et peut-être, en prenant la même précaution, leur critique, M. Calderwood, aurait-il réfuté avec encore plus d’avantage les paradoxes de ces nouveaux sceptiques.

C’est sans doute ainsi qu’en a jugé un critique bienveillant qui, soutenant la même thèse, a trouvé quelque chose à redire à cette manière de la défendre. M. James M’Cosh, professeur de logique et de métaphysique au collège de la reine, à Belfast, est l’auteur d’un ouvrage intitulé : Les Intuitions de l’âme recherchées par la voie de l’induction. Il s’y propose, à l’aide de quelques rectifications, d’opérer une éclectique conciliation entre Locke, Reid et Hamilton. Pas plus que le premier, il ne veut qu’il existe des idées innées, si l’on entend par là des notions universelles, des vérités générales dont l’esprit ait conscience à priori et qu’il applique sciemment à l’acquisition de ses connaissances expérimentales ou inductives. Pas moins que Reid, il ne reconnaît que ces notions et ces vérités résultent naturellement et presque nécessairement pour nous d’un retour que nous ne manquons guère de faire sur les jugemens suggérés par la perception ou la conscience. Grâce à un procédé qu’on peut appeler induction, parce qu’il tire le général du particulier, nous reconnaissons que tous nos jugemens d’expérience supposent vraies certaines propositions générales qui peuvent en être considérées comme les principes. Ces principes d’une évidence plus ou moins immédiate sont des convictions intuitives. Ce sont là les intuitions de l’âme dont l’auteur fait l’objet de ses recherches, et qu’il classe en connaissances primitives, en croyances primitives, en jugemens primitifs. Il expose avec soin la manière dont ces notions se développent, tenant beaucoup à prouver, avec Locke, qu’elles ne sont point innées, et cependant, avec Reid et d’autres, qu’elles sont naturelles, ou du moins que notre raison est apte et destinée à les conclure des perceptions et des observations de la