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l’Angleterre, la Hollande, la Russie, les États-Unis, font entrer aujourd’hui dans leur consommation une quantité de thé venant de Chine ou du Japon dont la valeur atteint 400 millions de francs.

Le thé japonais est inférieur au thé chinois ; aussi s’exporte-t-il moins en Europe qu’en Chine, où il comble les vides causés par les achats étrangers. Le thé chinois lui-même diffère de qualité suivant la provenance ou l’époque de la récolte. Le thé, on le sait, est la feuille, quelquefois la fleur d’un arbuste qui s’assimile avec une facilité extraordinaire les qualités diverses du sol. Deux plants venus de la même souche, donnent des feuilles d’un goût tout différent suivant le terroir. Les feuilles s’enlèvent dès la troisième année de culture. Il y a trois, parfois quatre récoltes annuelles : la première, qui s’effectue à l’entrée du printemps, dès que le bourgeon commence à éclore, donne des produits peu abondans, mais très estimés ; les récoltes suivantes, de qualité inférieure, sont en revanche plus productives. Pour les achever promptement, on fait appel à tous les bras valides ; ce sont les vendanges chinoises : villageois et villageoises se mêlent et se pressent autour des corbeilles et courent à la cueillette du thé comme nos vignerons à la coupe du raisin, comme les paysans anglais à celle du houblon. La feuille, soumise deux fois à l’action d’un feu doux, pressée et foulée de manière à rendre une huile d’un goût très acre, devient le thé noir. Le thé vert n’a subi qu’une cuisson moins prolongée, et n’a perdu, sous une pression moins énergique, qu’une plus faible partie de l’huile qui lui conserve ses qualités excitantes. Le thé noir entre pour plus des trois quarts dans la consommation européenne, qui va s’approvisionner principalement à Londres. L’ancienne réputation du thé russe venu par caravane tient à ce qu’il sortait des provinces les plus méridionales, dont les produits sont réputés supérieurs. Les Anglais se fournissent aujourd’hui aux mêmes marchés, et les thés de caravane ne diffèrent de ceux qui arrivent par mer dans des boîtes doublées de plomb, fabriquées par les Chinois pour cet usage spécial, que par un prix plus élevé.

Certaines variétés de thés, le thé jaune le thé en fleur, sont peu connues en Europe. Il en est même une espèce dont ne se servent que les populations semi-barbares qui vivent dans la Mongolie et dans les steppes sibériennes jusqu’au Volga : ce sont les thés en briques, feuilles de qualité tout à fait inférieure et déchets qui sont ensuite pressés en forme de briques. Ils ne coûtent pour ainsi dire rien en Chine ; mais à la foire annuelle de Nijni-Novogorod, où on les transporte à dos de chameaux et de mulets et où ils font l’objet d’un commerce actif, ils se vendent au prix de 6 francs le kilogramme.