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maréchaux de France sortir des rangs du peuple ; de même plusieurs des membres de la commission et de l’ambassade japonaises qui se trouvent actuellement à Paris n’appartiennent pas à l’aristocratie. Le mérite, à défaut de naissance, peut faire obtenir les plus hauts emplois, mais il ne confère qu’un certain degré de noblesse. Tout père de famille est tenu de donner à ses enfans mâles une certaine instruction. Des écoles sont ouvertes à cet effet aux enfans de toutes les classes dans la plupart des villes. Le soin que l’on prend des garçons ne s’étend pas, il est vrai, aux filles, car au Japon comme en Chine la femme n’est point l’égale de l’homme. Le mari, tout en n’ayant sous son toit qu’une femme légitime, est autorisé par les mœurs, et sans que sa réputation en souffre, à posséder autant de concubines qu’il lui plaît[1]. Dans les basses classes, le père n’hésite pas à vendre sa fille aux riches particuliers, indigènes ou étrangers. Il la laisse, sans honte ni scrupule, s’installer dans les maisons de prostitution. La jeune fille est le plus souvent fidèle au contrat passé par son père, et après quelques mois, quelques années, occupés hors du toit paternel à amasser sa dot, elle trouve aisément à se marier, et se voit alors soumise à toutes les obligations de l’épouse, la fidélité en première ligne.

Les beaux-arts ont une place à l’exposition japonaise. Des peintres du pays, entre autres MM. Horiu et Sessaï de Yédo, ont envoyé des paysages sur tissus de soie, et même une série d’aquarelles représentant les portraits de quelques jeunes Japonaises. Je ne surprendrai personne en disant que l’art européen n’a rien à apprendre de la peinture japonaise. Ignorante de. la perspective, bien que les portraits ne paraissent pas mal posés, elle ne sait pas reproduire les oppositions de l’ombre et de la lumière. L’art de ce peuple est surtout décoratif. On dit qu’il brille davantage dans la sculpture ; nous n’en pouvons juger à l’exposition que sur de petits objets en bois ou en ivoire, dont plusieurs en effet, bas-reliefs ou statuettes, approchent de la perfection. Cependant le Japon coule en métal de bronze des statues colossales, hommes ou animaux, qui ornent les pagodes. Le pays fournit la matière, et de nombreux échantillons de minerais de cuivre, de plomb, de fer, de zinc, d’argent et même d’or sont sortis des mines indigènes pour venir se classer au Champ de Mars dans la galerie des matières premières. On connaît, au moins de réputation, les vases de bronze de formes variées, aussi précieux par la matière que par le travail, que le Japon fournit comme la Chine, et dont l’exposition offre plusieurs échantillons magnifiques. C’est un objet d’art spécial à l’archipel

  1. Le mikado a douze concubines.