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fleurs. Nul ornement à l’extérieur que des clous de bronze plantée dans la porte. Parfois le faîte des piliers est garni d’un métal dentelé ou découpé à jour et peint en noir. C’est dans ces jardins, au milieu de l’ombre et de la verdure, que s’élèvent les habitations destinées aux soldats, aux officiers, aux nombreux domestiques, puis au centre la résidence du prince propriétaire. Toutes ces constructions sont en bois et ne diffèrent des maisons bourgeoises que par le plus ou moins grand nombre de pièces, par la décoration des lambris intérieurs, enduits de laque de diverses couleurs, enfin par la richesse des petits meubles et des porcelaines éparses dans les appartemens et les jardins. Quant au mobilier, dans le sens que nous prêtons à ce mot, il fait également défaut ; le souverain lui-même est loin de se donner à cet égard le comfortable dont jouissent les Européens. Aucun meuble servant de siège ne figure en effet à l’exposition ; l’usage commence pourtant à s’en répandre au Japon à la suite des étrangers établis sur la concession de Yokohama, et qui, tout en se contentant généralement d’habitations construites en bois, cherchent à les aménager et à les garnir à la mode européenne. Quelques négocians indigènes, à leur exemple, avaient voulu, dit-on, se faire bâtir et meubler des maisons plus considérables et plus commodes. Par ordre supérieur, ils ont dû renoncer à ce projet et démolir les édifices déjà commencés. Les matériaux pour grandes constructions ne manquent pas dans le pays et pourront plus tard être utilisés : ainsi on voit à l’exposition de fort beaux blocs de marbre, de pierre, de granit, les uns à moitié bruts, les autres polis avec art.

Ce que j’ai dit s’applique principalement aux villes. Les Européens ne connaissent pas la campagne japonaise. Ils se sont à peine écartés des routes très fréquentées qui conduisent de Yédo à Yokohama, là où une compagnie américaine se propose d’établir une ligne de chemins de fer. On ne saurait avoir encore de renseignemens exacts sur la manière de vivre du paysan. On dit qu’attaché ou non à la glèbe il n’est pas matériellement malheureux. Il est certain que la misère paraît beaucoup plus rare au Japon qu’en Chine. La mendicité n’existe ni à Yédo ni à Yokohama.

La littérature japonaise, très nombreuse et très variée, est représentée à l’exposition. Les vitrines du prince de Satzouma contiennent un certain nombre de livres indigènes, même des romans, dont quelques-uns sont ornés d’images coloriées. J’ai pu voir une histoire japonaise illustrée et rédigée dans le pays, et, à en juger par le volume, elle doit être fort détaillée. Elle traite surtout de la période durant laquelle les Européens parurent pour la première fois au Japon et de l’établissement des Hollandais à Firado et