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fort apprécié du commerce et du peuple, et les daïmios semblaient prendre leur parti de la situation, quand en 1858 parurent les vaisseaux européens.

Déjà le taïcoun avait dû traiter avec les États-Unis, établis dans son voisinage, à San-Francisco, sur la rive opposée du Pacifique. Ce traité, bien qu’il ne s’occupât que de régler certaines questions de pêche et de navigation, avait, paraît-il, reçu l’approbation des daïmios, appelés à Yédo pour la circonstance. Quand il s’agit de traiter, avec la France et l’Angleterre, le taïcoun ne les consulta plus. Les traités créaient pourtant une situation toute nouvelle, et touchaient à des questions intéressant l’administration intérieure des domaines des daïmios. Ils y introduisaient le commerce étranger, du moins dans l’avenir, car trois ports seulement étaient immédiatement ouverts, tous trois appartenant au taïcoun. Plusieurs daïmios, le prince de Nagato à leur tête, refusèrent de souscrire à ces conventions. Ils en appelèrent à l’autorité, depuis longtemps oubliée, du mikado. Une ligue s’organisa ; menaçant les étrangers et le taïcoun. De là les assassinats, les violences dont furent victimes les Européens installés à Yédo et à Yokohama. le taïcoun, très jeune d’ailleurs, était impuissant à les réprimer ; il dut confesser en partie la situation. L’expédition de Simonosaki, où les troupes de Nagato ne purent tenir contre quelques marins européens, montra aux daïmios l’inanité de la résistance. Ils cédèrent, ne s’opposèrent plus ouvertement aux traités, mais conservèrent une attitude hostile envers le taïcoun, leur suzerain. Plusieurs pensèrent dès lors à se rendre entièrement indépendans ; puisqu’il fallait accepter les étrangers, autant se faire d’eux des protecteurs. De son côté, le nouveau taïcoun, homme habile et énergique, sent qu’il y va de son intérêt et de son existence de ménager les puissances étrangères ; Peut-être compte-t-il sur elles pour resserrer ces liens impatiemment supportés par quelques grands vassaux.

Ainsi s’expliquerait la sollicitude qu’il a montrée pour l’exposition universelle, flatterie délicate, envers l’Europe, et aussi l’air d’indépendance que le prince Satzouma s’y est donné. La commission de l’exposition, préoccupée uniquement des questions industrielles, n’avait pas à décider de prétentions politiques ; elle a admis sans discuter les allégations de chacun. D’ailleurs le prince de Satzouma aurait un autre titre à être admis séparément à l’exposition. Par une nouvelle et singulière analogie avec les mœurs féodales de l’ancienne Europe, lui prince japonais, il partagerait avec la Chine la suzeraineté sur le groupe des Lieoukieou, petites îles situées entre Formose et le Japon, dont les produits peu abondans figurent dans ses vitrines. Si ces explications, qui ne sont basées, je le