Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyages s’effectuent surtout par eau[1], abondent dans toutes les cités. Ces restaurans établissent sur la voie publique leurs longues tables garnies de bancs où s’assoient ouvriers et gens du peuple, et se chargent, comme les nôtres, de confectionner des dîners d’apparat servis sur place ou bien portés en ville. Par une association de métiers lucratifs dont les mœurs publiques ne s’offusquent pas, le restaurant se rapproche volontiers de la maison de jeu, toujours très fréquentée. Celle-ci est ordinairement voisine du mont-de-piété, qui touche à la fumerie d’opium et à tous ces établissemens d’une moralité douteuse ou le Chinois passe une partie de sa vie. De même que bien d’autres peuples depuis longtemps civilisés, l’habitant du Céleste-Empire, peu enclin aux exercices physiques, n’a pas des mœurs très rigides. La constitution du mariage en est la preuve. La femme n’est point l’égale du mari, et, bien que celui-ci n’ait qu’une épouse légitime, il peut entretenir plusieurs concubines. L’empereur a un harem dépendant du palais.

J’ai hâte, pour montrer la Chine sous un autre aspect, d’aborder dans les galeries intérieures la vitrine où sont exposés plusieurs ouvrages d’auteurs chinois imprimés en Chine sur papier de fabrication chinoise. Ce pays a devancé l’Europe dans l’invention de l’imprimerie et de la lithographie, comme en d’autres découvertes. Ses procédés typographiques diffèrent des notres parce qu’ils répondent à d’autres besoins. L’écriture chinoise, idéographique et non alphabétique, ne décompose point le vocabulaire en un petit nombre de lettres pouvant servir à exprimer tous les mots ; elle représente chaque idée par un signe distinct. La multiplicité des signes à mettre en œuvre excluait l’emploi des caractères mobiles. L’impression s’exécute au moyen d’un bloc de bois sur lequel les signes, marqués d’abord à l’encre par l’application d’une feuille écrite à la main et mouillée légèrement, sont ensuite taillés en relief. L’ouvrier, armé d’une brosse, étale l’encre sur les reliefs, et pose la feuille à imprimer sur le bloc noirci en la pressant avec des tampons de papier. Les feuillets des livres chinois ne sont imprimés que sur une face. On les plie en deux, le côté blanc restant en dedans, de manière à former une anse dont les deux bords s’attachent à la reliure. Le papier est si fin que cet artifice s’aperçoit à peine. A Pékin, les ouvriers typographes du gouvernement remplacent, dit-on, le bloc de bois par une planche de cuivre sur laquelle les caractères sortent également en relief. Quelques-uns des ouvrages imprimés qui se trouvent à l’exposition remontent au XIVe siècle.

  1. Nous ne parlons pas, bien entendu, des villes où se sont établis les Européens et ils ont introduit leurs usages.