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ses ruines. Ce n’est pas que les Grecs aiment le home, — ils sont trop gens du midi pour avoir de semblables inclinations, — mais ils ont l’esprit de prévoyance assez développé, des passions dont l’ardeur méridionale est modérée par le désir de s’enrichir et de briller, et ils savent fort bien de quel secours peut être une femme à un mari économe et ambitieux.

Les dictons populaires nous donnent une idée des principes qui guident un Hellène raisonnable dans le choix d’une compagne. « Si vous prenez des milliers d’écus et une femme méchante, les écus s’en vont au diable et la méchante vous reste, » proverbe qui n’empêche point les amateurs de dot d’aller chercher une femme dans les pays étrangers, et les négocians de faire des mariages de convenance. Comment pourrait-on savoir si une fille est le trésor dont parle Théognis quand on prend une personne inconnue ? « Si tu veux bien te marier, cherche dans ton voisinage, » dit un proverbe. Aussi les mariages sont-ils précoces, et l’homme du peuple se marie-t-il de dix-sept à vingt ans, la fille de quatorze à quinze.

L’analogie qu’offrent sur ce point les mœurs de la Grèce et celles de l’Allemagne est d’autant plus remarquable que la cérémonie des fiançailles est chez les Hellènes non moins sacrée que chez les Germains ; c’est à ce point que le jeune homme qui briserait ce premier lien s’exposerait à toutes les vendette de la famille offensée. Cela est d’autant plus terrible que les familles, ainsi que nous l’apprend mainte chanson, voulant s’allier entre elles selon leurs propres convenances, et considérant le mariage comme une affaire où l’imprévoyante jeunesse n’entend rien, enchaînent souvent d’avance la liberté de leurs enfans en les unissant dès le berceau. Vienne l’âge où les yeux s’ouvrent, où le cœur parle, il est quelquefois bien dur pour un pauvre garçon, d’avoir à choisir entre la main de la fille ou la carabine des frères. La fiancée elle-même, quand c’est elle qui se parjure, n’est guère plus en sûreté.


« Une jeune fille, dit un chant crétois, cueillait des fleurs et mettait des roses dans son sein — pour tresser des guirlandes avec les fleurs et des couronnés avec les roses. — Et le roi passa (venant) de la chasse au lièvre. — Il lui demanda deux roses ; elle lui en donna quatre. — Il lui met au doigt du milieu une petite bague. — Et la mère la voyait de la fenêtre : — Chienne folle, diablesse de chienne, n’as-tu pas craint Dieu — en donnant des roses au chasseur et prenant une bague ? — Quand viendra ton fiancé, je vais le lui dire. » — Tout le jour elle la gourmanda, et le soir elle la dénonce. — Dix-sept frères la battent et dix-huit cousins, — et son fiancé la bat aussi avec une petite verge d’or. — La jeune folle était mourante, la pauvrette râlait… »


Voilà un des dangers de ces fiançailles trop précoces ; elles ont