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chant grec, « la bartavelle aux ailes d’or » des poètes albanais ; mais, si la jeune Hellène est proclamée « telle comme une perdrix » par une poésie qui ne saurait avoir perdu tout souvenir des admirables types antiques, la comparaison prend au besoin un ton moquer. Un amant irrité reproche à une jeune fille d’avoir « les tromperies » d’une perdrix, en faisant allusion aux ruses emploies par cet oiseau pour tromper les chasseurs et sauver sa couvée.

L’hirondelle, si souvent chantée en Grèce comme messagère du printemps sans être un sujet de comparaison habituelle comme la colombe, fournit pourtant un trait significatif. Certaine « petite fille belle comme une perdrix » est en même temps « étourdie comme une hirondelle. » L’amour, on le voit, chez un peuple dont la défiance naturelle éclate même dans des poésies fort antérieures au christianisme, l’amour n’est donc pas constamment aveugle. Quand il s’envole, la vieillesse répète des proverbes misogynes qui auraient charmé Euripide. « Au monde, il est trois fléaux, — le feu, la femme et les eaux. »

Le règne végétal et même le règne minéral ne fournissent pas aux amoureux moins de comparaisons que le monde des oiseaux. Après les fleurs, les diamans et les perles, les astres ne pouvaient être oubliés. L’idée banale est ici parfois présentée avec des développemens d’une incontestable originalité ! « Une jeune fille sortait et se vantait — Mon soleil, eh quoi ! es-tu plus beau que moi ? — Toi tu fanes le fenouil et les herbes fraîches, — et moi je fane les Hellènes, les pallicares grecs. » Cette idée, très populaire, se retrouve encore dans un chant que j’ai copié sur le Parnasse lorsque j’y ai visité l’intéressante population d’Arakhova. « Cabane, vieille cabane couverte de roseaux ! — Une fille y est assise et enfile des pièces d or. — Et elle grondait après le soleil, et elle lui disait : — Sort mon soleil, pour que je sorte aussi. — Et toi, si tu brilles, mon soleil, — ce sont les pallicares que je fane, — je fane les neuf frères, les dix-huit cousins. »

Cet orgueil que la beauté inspire ne fait pas négliger les ressources que l’art peut offrir. Les femmes grecques aiment volontiers tout ce qui brille. « La fille, dit un chant, veut des caresses, elle veut aussi des perles. » Elle mettra cinq rangs de pièces d’or en collier, et quatre rangs en bracelets. L’arbre aux « feuilles d’or » et aux « rameaux d’argent » dont un amoureux fait la description à la « folle » Diamanto donne une idée assez exacte de ces fiancées qui portent leur dot au cou. Il ne faudrait pas prendre trop à la lettre les déclarations que l’orgueil de la beauté dicte à quelques filles, car en Grèce l’amour n’établit pas entre les deux sexes une