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et les Nikotsaras, qui jouèrent un rôle important au commencement de notre siècle, appartenaient à des familles klephtiques.

Un des chants consacrés à Zidros atteste que l’Albanie musulmane. constituait pour l’Olympe un danger bien plus grand que toutes les forces ottomanes. La race asiatique ou finno-mongole, réduite à ses propres forces et qui diminue à vue d’œil, — grâce au harem,[1], à la guerre et à l’ignorance de toute hygiène, — ne se maintiendrait pas dans la péninsule, si elle n’avait converti à l’islamisme, dans les pays serbes et en Albanie, une fraction éminemment guerrière d’Indo-Européens. Elle doit son salut à ces recrues. C’est ainsi que lorsque le terrible Chkipétar Ali-Pacha eut réussi à s’imposer en Epire aux populations toskes, les Olympiotes se virent engagés dans une lutte à laquelle l’insouciance ottomane et le peu d’accord qui régnait parmi les beys de Toskarie ne les avaient pas préparés ; mais aucun symptôme de division ne s’était encore montré parmi les chrétiens de la montagne. Sans doute l’élément roumain n’a pas dans ces contrées l’importance qu’il avait au temps (XIIe siècle) où les Hellènes eux-mêmes nommaient la Thessalie « grande Valachie, » et où Cantacuzène, malgré sa passion pour les noms anciens, l’appelait « principauté de Valachie. » Cependant depuis le moyen âge une grande et puissante tribu roumaine a continué d’occuper les hautes vallées de l’Albanie méridionale et de la Thessalie. Une ville du versant occidental de l’Olympe, Vlakho-Livadhi, et plusieurs villages sont occupés par ces Latins. Krania, sur les plateaux du Bas-Olympe, est une localité à moitié roumaine. Aussi un chant, en parlant du plus célèbre des klephtes olympiotes, Nikotsaras, dit-il que son héritage paternel est parmi les Valaques. Ce Nikotsaras se distingua assez parmi les guerriers la montagne pour appeler sur lui l’attention du farouche pacha de Janina. Quand Ali travaillait à soumettre tout le midi de la péninsule aux Albanais musulmans afin de se tourner plus tard contre la dynastie asiatique de Stamboul[2], il devait trouver l’Olympe, où l’élément chkipetar n’avait aucune influence, peu disposé à entrer dans ses vues. L’incurie traditionnelle de la Sublime-Porte, jointe à la vénalité de ses vizirs, lui avait permis d’acheter (1783) le titre de grand prévôt des routes et le pachalik de Trikala. Grâce à ces fonctions, il restaura la puissance mahométane en Thessalie, où l’accord des Hellènes et des Roumains avait réduit à néant l’autorité des conquérans. « Klephtes, dit un chant qui est l’expression.

  1. M. Viquesnel, l’auteur du Voyage dans la Turquie d’Europe, qui n’est pas hostile aux Turcs, évalue au chiffre énorme de 35,000 le déficit causé à la population musulmane de Constantinople en vingt-six ans par les avortemens.
  2. Ali pensait, comme tous les Albanais, que « l’Ottoman n’est bon qu’au plat » (au festin).