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se rattacher en effet par plus d’un lien visible à un cycle perdu ; on y trouve des allusions à des héros oubliés, c’est-à-dire à des chants oubliés. On y reconnaît que l’Olympe a, comme dans l’antiquité, ses traditions religieuses, poétiques et guerrières, il est pour les chantres klephtiques ce qu’il était pour les « maîtres de l’ancienne musique. » La chapelle de saint Élie « le foudroyant » y remplace l’autel du fils de Kronos, armé de la foudre. Les prodiges n’ont pas cessé de se manifester sur ce Sinaï de la Grèce. On croit que les hauteurs sublimes habitées par le dieu qui ébranlait la montagne d’un froncement de ses sourcils sont encore le théâtre de merveilles comme avant le triomphe du christianisme. Autrefois l’on disait que les offrandes placées là échappaient une année à l’action des élémens, et maintenant la poésie klephtique affirme que les blessures se ferment, que le corps devient plus robuste et se pénètre d’une ardeur belliqueuse sur ces sommets « environnés d’un air pur, enveloppés d’une blanche clarté, où les dieux, goûtent un bonheur qui dure autant que leurs jours éternels. » Là, aux « trois cimes du ciel » résident les parques des parques (Μοῖραι τῶν Μοῖρων), ces arbitres suprêmes de nos destinées. Aussi le klephte pense-t-il qu’aucun mont ne peut rivaliser avec ce vieil Olympe si renommé, qui a quarante-deux sommets, soixante-deux sources, et dont les couvens ont tant de fois abrité le pallicare contre la colère des Turcs. Sur la célèbre montagne, en face du Kissavos esclave (l’Ossa), foulé aux pieds par les Turcs, « chaque source a sa bannière, et chaque branche d’arbre son klephte. »

Les souvenirs nationaux s’unissent, on le pressent, aux traditions religieuses pour rendre encore plus vénérable cette montagne, qui a conservé la beauté des premiers jours, et qui n’a pas, comme tant d’autres parties du territoire hellénique, subi les irréparables outrages des hommes et du temps. L’Olympe, qui est le premier rempart de la péninsule, arrêtait jadis les tribus pélasgiques de la Macédoine ; si longtemps rebelles à l’influence grecque, comme il semble arrêter aujourd’hui les Slaves (les Bulgares) dans leur marche infatigable vers le sud. Après avoir servi de boulevard contre la victorieuse Rome, il a protégé les Hellènes contre l’invasion asiatique, et quand cette invasion eut triomphé, il devint l’asile des derniers défenseurs de l’indépendance. Dans un chant qui n’a pas le caractère des poèmes klephtiques et qui semble appartenir à ce cycle perdu dont nous parlions tout à l’heure, on voit le défenseur de la patrie sous les traits d’un vieux cerf qui se couche sur le mont Olympe, dans les basses forêts de sapins, pour y pleurer abondamment ; les Turcs sont venus au village, et avec eux soixante-douze lévriers. Si ce chant mélancolique remonte, comme