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Il fit encore quelques questions et n’obtint que des réponses évasives. Il était trop curieux et trop têtu pour quitter si vite la partie ; il s’invita sans façon à dîner, revint à la charge entre la poire et le fromage ; il fallut bien que Didier s’exécutât. Cependant il n’eut garde de tout dire, ne toucha qu’un mot de Carminette et passa soigneusement sous silence la course à Versailles, le télégramme et la lecture de Volney. Le notaire eut la générosité de ne point faire de remarques, seulement il se dit à lui-même que Didier venait de faire la plus belle école du monde et d’apprendre à ses dépens que gonfler des ballons est un métier périlleux ; mais il ne s’écria point, comme c’est l’ordinaire en pareil cas : — Que vous avais-je dit ? ne vous avais-je pas prévenu ?… Et Didier lui en sut gré.

Pour faire diversion à cet entretien, qui lui offrait peu d’attraits, Didier demanda des nouvelles de sa cousine. M. Patru hocha la tête.

— Eh ! répondit-il, la pauvre femme n’est pas sur des roses. Mme Bréhanne devient de jour en jour plus difficile à vivre ; elle est mécontente de tout et s’ennuie à mourir. Ce ne sont que plaintes, qu’aigreurs et chipote des continuelles. Mme d’Azado s’est mise en quatre pour lui procurer des distractions ; elle lui a fait cadeau d’une pouliche douce au montoir et d’un joli groom façon tigre, elle lui a fait venir de Paris une soubrette qui a des doigts de fée et qui la coiffe et l’habille selon tous les préceptes du Journal des Modes, elle a battu les buissons pour dénicher tous les joueurs de whist du pays, et presque chaque soir il se joue une petite partie aux Trois-Platanes. M me Bréhanne est demeurée insensible à tant de bons procédés ; elle trouve à redire à tout et pleure d’ennui. Elle avait emporté de Lima, parmi ses bagages, une perruche pavouane qui est morte dans la traversée. Comme elle ne pouvait se consoler de cette irréparable perte, Mme d’Azado a réussi, non sans peine, à lui en procurer une autre… Sot oiseau, je vous assure, qui a toujours l’air de mauvaise humeur, toujours criant et piaillant ! M me Bréhanne n’était pas depuis huit jours en possession de sa perruche qu’elle lui avait appris à dire : Comme je m’ennuie ! On n’entend que ce cri dans la maison… Je me suis à moitié brouillé avec cette folle. Elle m’étourdissait de ses éternelles histoires de succession ; à l’entendre, elle a été victime d’un dol, — c’est son mot, — et sa fille s’est fait avantager à ses dépens. Je lui ai fait conter ses petites affaires et lui ai prouvé, clair comme le jour, qu’elle avait eu plus qu’il ne lui était dû. Elle ne me pardonnera jamais cette démonstration. Elle devrait pourtant me savoir gré des peines incroyables que je me donne pour la marier. C’est un petit service que je serais bien aise de lui rendre. À d’autres le paquet ! mais j’y