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d’état, ambassadeur et ministre sous l’empire. Il devait tout à la révolution et à l’empereur. Que faut-il de plus à un auteur de mémoires historiques pour avoir droit à la confiance du public ? Que dans la dernière partie de sa carrière celui-ci eût « rompu les liens politiques » qui l’attachaient à la famille impériale, ce n’est pas là une circonstance faite pour enlever à un honnête homme le droit d’être cru sur les choses qu’il avance. Après tout, l’unique raison que donne le prince Napoléon, de la méfiance que lui inspirent les mémoires du comte Miot de Mélito, c’est qu’ils représentent l’empereur et ses frères comme ayant souvent été divisés entre eux et s’étant sévèrement et désagréablement exprimés sur le complexes, uns des autres. À ce titre, tous les mémoires sérieux de cette époque seraient à peu près également suspects. On aurait beaucoup à faire, si l’on voulait démentir, non pas tous ces écrits, mais seulement ceux qui nous viennent des serviteurs les plus éprouvés de la dynastie impériale. A s’en tenir aux plus authentiques, il faudrait contredire M. de Meneval, le duc de Rovigo et le comte Rœderer, dont les souvenirs, très curieux et très recherchés, prit été récemment mis en circulation à un trop petit nombre d’exemplaires. Il faudra aussi se préparer à réfuter les papiers laissés par les fonctionnaires de l’empire les plus haut placés, par l’archichancelier Cambacérès, par M. de Talleyrand, par M. Pasquier, ouvrages qui n’ont point encore paru, mais dont l’existence n’est pas ignorée des personnes bien informées, Il faudra que l’on réfute les mémoires du roi Joseph publiées par M. Ducasse et l’ouvrage du roi Louis sur les affaires de Hollande ; il faudra enfin nier tout ce que nous ont raconté nos pères, tout ce qu’ils ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles. Il y a plus, il faudra que le prince s’inscrive en faux contre la correspondance de l’empereur Napoléon Ier, publiée officiellement par une commission dont il est lui-même aujourd’hui le président. Plus la publication de cette correspondance avancera, plus éclateront en effet, si on nous la donne entière, les preuves de la division qui par moment a été si vive entre les membres de la famille impériale.

Il est vrai qu’une précaution a été prise récemment pour en soustraire désormais au public les symptômes les plus fâcheux. La commission de 1854, qui avait si scrupuleusement édité les quinze premiers volumes de la correspondance, a été dissoute. C’est encore son altesse le prince Napoléon qui préside la nouvelle commission, et il a eu la bonne foi de nous avertir lui-même, dans le rapport qui précède le seizième volume, que les lettres de l’empereur ne seraient plus intégralement publiées. « En général, nous avons pris pour guide cette idée bien simple, dit son altesse impériale, à savoir que nous étions appelés à publier ce que l’empereur aurait livré à la publicité, si, se survivant à lui-même et devançant la justice des âges, il avait voulu montrer à la postérité sa personne et son