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exige en moyenne la construction d’environ sept ou huit mille nouvelles maisons par an. Comme les maisons modernes, même les plus petites, sont généralement pourvues d’un jardin, que les rues avec de larges trottoirs sont spacieuses, et qu’on croit avec raison nécessaire pour la santé des habitans de laisser dans chaque quartier de notables espaces vides, des squares, dont quelques-uns, tels que Eaton-Square, sont presque aussi grands que le jardin des Tuileries, il en résulte une immense et continuelle extension de la surface de cette étrange ville, dont les frontières sont encore moins connues que celles des districts qui la composent. Cette extension est si rapide qu’il y a une infinité de personnes qui se souviennent d’avoir chassé le canard sauvage dans ce magnifique quartier de Belgravia, où s’est logé depuis de préférence le beau monde de la capitale.

Comme toutes les grandes villes, Londres est entourée d’une multitude de villages qui sont assez misérablement bâtis. Lorsqu’elle a besoin de s’agrandir, elle passe par-dessus ces villages, les laisse ordinairement tels qu’ils sont avec leurs vieilles masures, mais les a bientôt entourés de constructions sans nombre. C’est ce qui faisait dire à Burke avec sa verve acérée que les accroissemens de Londres consistaient à ajouter des laideurs à des laideurs. L’expression n’est plus vraie aujourd’hui, car les nouveaux quartiers, s’étendant sur quatre comtés (Middlesex, Essex, Kent et Surrey), dans des campagnes où l’espace ne manque pas, présentent un aspect en général des plus satisfaisans. Cependant les pauvres vieux villages qu’il faut traverser pour se rendre à des habitations parfois magnifiques, comme celles de Palace-Gardens, nuisent beaucoup à l’effet général. Or, chose curieuse, ce sont ces mêmes villages qui, en conservant leur physionomie première, prêtent leur nom aux nouveaux quartiers. Il suffit de citer pour exemple Bayswater, Kensington, Brompton, Saint-John’s Wood, etc.

La construction de ces nouveaux quartiers donne lieu à des transactions particulières qui n’ont rien d’analogue en France, et qui méritent d’être signalées. Autour de Londres, les propriétés rurales sont en général entre les mains de familles opulentes qui ne se montrent nullement disposées à les vendre. Lorsque des capitalistes, des entrepreneurs pensent qu’il serait avantageux de bâtir dans une localité vers laquelle la population semble se porter de préférence, ils entrent en négociations avec le propriétaire du sol, le plus souvent en vue de faire des constructions très étendues, toute une rue, tout un faubourg. Le propriétaire et le spéculateur se mettent d’accord sur le nombre des maisons qui doivent être construites, sur les dimensions qu’elles doivent avoir. Le