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en lumière pour en faire justice. L’opinion publique s’est soulevée. Déjà les organes de la presse radicale, à commencer par le Star, se hâtent de répudier ces actes avec indignation, et se séparent des trades’ unions en disant que ce sont elles aujourd’hui qui veulent tuer la liberté. Les sociétés secrètes et leur pouvoir sans appel tombent sous le coup de l’enquête, comme est tombé le chartisme en 1849, et la majorité des ouvriers commence à entrevoir le péril qu’il y a pour elle à laisser la minorité, fût-elle composée de huit cent mille hommes, prendre la haute main et se conduire ainsi au nom du peuple. Cependant en ce moment même la contagion du mal se fait sentir : les sheffieldiades, circonscrites d’abord dans certaines localités, se reproduisent jusque dans la capitale, et le fléau ne fait que se déplacer, tandis que la réprobation universelle le poursuit. Les commissions d’enquête sont loin d’avoir achevé leur tâche, et l’on ne peut trop s’appliquer à répandre la lumière qui se fait tous les jours dans leur sein.

La question de la réforme s’est trouvée un peu rejetée dans l’ombre par celle des enquêtes parlementaires. D’ailleurs, pour tous ceux qui ont étudié sérieusement la situation, il est évident que la réforme électorale ne représente qu’un fragment de la question sociale qui se débat aujourd’hui en Angleterre avec d’autant plus d’ardeur que l’absence de révolution depuis deux siècles a laissé subsister dans ce pays une foule d’usages surannés qui sur le continent ont été balayés par le torrent de 89. Grande et forte par l’ensemble de sa constitution politique, la Grande-Bretagne est dans les détails bien plus sous l’empire des précédens que de la loi positive, même lorsque ces précédens n’ont plus d’autre genre d’autorité que leur caduque vieillesse.

On sait assez comment le ministère tory a procédé dans la voie de la réforme électorale. Après avoir essayé de résister à la pression de la ligue de la réforme, qui, dans l’agitation qu’elle répandait autour d’elle, était puissamment appuyée par la portion la plus turbulente des unions, et qui n’hésitait pas à chercher des auxiliaires parmi les rouglis[1] et les autres bohémiens de Londres, M. Disraeli, qui semble avoir reçu carte blanche du gouvernement en tout ce qui concerne la réforme électorale et qui a pleinement justifié une telle confiance par l’habileté et le tact qu’il a montrés dans cette grande affaire, est entré plus avant dans la voie libérale que ne l’avait fait l’année dernière le ministère whig. Forçant la main à son propre parti, M. Disraeli vient de faire adopter par la chambre des communes un amendement en vertu duquel

  1. Voyez la Revue du 15 avril 1867.