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arriver aux plus tristes découvertes. Un des crimes qui avaient produit le plus d’impression était une tentative faite, il y a huit ans, pour faire sauter, à l’aide d’une mine, la maison d’un ouvrier appelé Holliwell. Celui-ci n’appartenait pas aux unions, mais il leur déplaisait souverainement, parce qu’il prenait des apprentis, chose que ces corporations ne permettent pas à moins qu’on ne leur paie des droits d’entrée considérables. A la septième séance de la commission de Sheffield, un ouvrier appelé Shaw, qui par intimidation ou par corruption avait commencé comme plusieurs autres par se parjurer, effrayé du danger qu’il courait en persistant dans le mensonge, a fait une déclaration dont nous citerons mot à mot quelques passages très naïfs et très caractéristiques.

« Me trouvant à l’âge de vingt ans, a dit ce Shaw, dans la maison de Broadhead (le secrétaire de l’union des sawgrinders, repasseurs de scie, à Sheffield), Clark vint me demander si je voulais me charger d’un job (textuellement d’une petite affaire), savoir de faire sauter en l’air Topsy (sobriquet d’un homme appelé Holliwell, qui n’appartenait pas à l’union)….. Je répondis que je voulais bien, et Clark, après m’avoir dit que nous aurions 3 livres sterling pour cela, monta dans le haut de la maison et redescendit avec trois brocs remplis de poudre à canon. Clark me dit alors qu’il allait voir le vieux Smeeton (un sobriquet de Broadhead), et lorsqu’il redescendit, il me dit que c’était Smeeton qui lui avait donné la poudre, etc., etc. »

Le témoin a raconté ensuite comment il avait volé et vendu d’accord avec Clark une partie de la poudre qu’on lui avait remise, et comment il avait employé le reste à une tentative d’explosion qui n’eut d’autre effet que de blesser Holliwell. Une semaine après l’explosion, Clark lui dit qu’il avait reçu trois quid (3 livres sterling) de Broadhead, et lui donna trente shillings pour sa part. Cette affaire, qui était connue de plusieurs autres ouvriers que Shaw a nommés dans sa déposition, resta cachée durant plusieurs années ; mais à la fin, Clark ayant consenti, à prix d’argent, à dénoncer Broadhead, celui-ci pour se mettre à couvert commença par faire voler à Shaw ses outils (suivant la pratique du rattening) et excita contre lui un nommé Martin, qui dans la salle même du comité de l’union s’efforça de lui faire sauter les yeux à coups de pouce, ce qui dans l’argot des malfaiteurs s’appelle to gouge the eyes out. Après l’avoir ainsi convenablement préparé par l’intimidation, Broadhead dit à Shaw que, s’il voulait être sage, on lui rendrait ses outils. Shaw devint sage, et sous l’empire de la peur il signa le 27 novembre 1866 une déclaration portant que jamais Broadhead ne l’avait poussé à commettre aucun crime ; mais dès qu’il fut hors des griffes de ce secrétaire de l’union, il s’empressa d’écrire au