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Destinés à discréditer les unions dans l’opinion publique. C’était là un coup mortel pour les trades’ unions, et qui devait les frapper de la manière la plus sensible, non-seulement en leur ôtant la faculté de recouvrer leurs réserves, mais encore en les déclarant pour ainsi dire spoliables à merci. Ces sociétés demandèrent au moins provisoirement au parlement, pour leur propriété, la protection accordée à toute autre propriété en général. La décision des tribunaux, qui était une espèce de mise hors la loi des trades, unions, avait semblé si rigoureuse que, malgré la répugnance des chambres à s’immiscer dans les arrêts de la magistrature, un projet de loi fut présenté par les amis des ouvriers afin de relever les sociétés en général, et les unions ouvrières en particulier, de leur incapacité légale. Ce projet n’a point été adopté ; s’il eût été présenté au nom des intérêts de ces grandes compagnies de la Cité dont les entreprises prennent tous les jours des proportions plus gigantesques, nul doute que le parlement n’eût fait droit aux réclamations ; mais les trades’ unions étaient moins en faveur que jamais à la chambre des communes au moment où se discutait la réforme électorale, et on laissa leurs caisses sans protection.

A partir de ce moment, les unions agirent dans l’ombre, et à côté de leurs règlemens ostensibles elles en votèrent de secrets relatifs à l’administration de leurs finances. Bientôt, par suite de ce déni de justice, l’on vit tout le réseau des trades’ unions transformé et constitué en sociétés secrètes. C’est sur cette nouvelle phase de leur existence que les deux commissions d’enquête nommées par le parlement ont obtenu et obtiennent tous les jours les révélations les plus épouvantables.

Les deux commissions siègent séparément, et leurs travaux sont loin d’être terminés. La principale a pour président un des magistrats les plus haut placés de l’Angleterre, sir William Erle, et elle comprend plusieurs des membres les plus considérables du parlement ; dans le nombre, on remarque M. Roebuck, ce vétéran du libéralisme, dont le nom, attaché à toutes les réformes qui ont eu lieu en Angleterre depuis trente-cinq ans, devait être pour le parti démocratique une garantie de l’impartialité qui allait présider à l’enquête. Cependant M. Roebuck a bientôt perdu sa popularité et a été outrageusement sifflé. Dans le cours de l’interrogatoire, il avait posé aux témoins des questions qui ont amené des découvertes peu favorables aux unions, et c’est ainsi que par sa loyauté même il a déplu aux ouvriers. C’est là du moins le fait que certains organes du radicalisme lui ont reproché. Cet honorable député, né à Madras en 1801, est arrière-petit-fils d’un coutelier de Sheffield. Après avoir passé par le Canada, il arriva en 1824 en Angleterre et entra dans le barreau, où il occupe aujourd’hui un poste éminent. Il fut