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peuvent enseigner la perversité ou l’indifférence ; on y peut voir la violence, la ruse, la corruption, justifiées par le succès ; regardée de plus haut et dans son ensemble, l’histoire de la race humaine a toujours un aspect moral, elle montre sans cesse cette Providence qui, ayant mis au cœur de l’homme le besoin et la faculté de s’améliorer, n’a pas permis que la succession des événemens pût faire un instant douter des dons qu’elle nous a faits. »

M. de Barante était en droit d’avoir cette confiance dans le résultat de son œuvre. Aucun historien ne s’est plus abstenu de réflexions générales, de vues philosophiques, de jugemens explicites et péremptoires ; aucun ne s’est plus scrupuleusement renfermé dans le récit des faits puisés aux sources originales et remis tout entiers dans leur forme native sous les yeux des lecteurs ; l’écrivain semble ne s’être proposé qu’une sorte de résurrection dramatique et anecdotique des événemens qu’il raconte et des acteurs qui les accomplirent. Et pourtant aucun ouvrage historique ne peint plus fidèlement ni plus vivement l’état de la France, de ses mœurs et de ses destinées de la fin du XIVe à la fin du XVe siècle ; aucun ne fait mieux comprendre l’absolue nécessité d’une civilisation plus générale, d’un ordre social plus équitable et d’un gouvernement à la fois plus régulier et plus libre pour assurer la grandeur aussi, bien, que le bonheur intérieur de la nation française. Le rapide succès de l’ouvrage montra quel vif intérêt d’amusement et d’instruction tout ensemble il inspirait au public ; mis au jour par livraisons successives de 1824 à 1828, il était déjà parvenu en 1835 à sa sixième édition.

Ce ne fut point là, de 1820 à 1830, le seul travail historique de M. de Barante ; il prit de concert avec moi une part active à la rédaction de la Revue française, recueil périodique publié du mois de janvier 1828 au mois de juillet 1830 ; il y inséra plusieurs articles sur les principales publications récentes relatives à l’histoire de France pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. il projetait alors un grand ouvrage, plus important peut-être encore que son Histoire des ducs de Bourgogne ; c’était l’Histoire, du parlement de Paris. Je trouve dans les lettres qu’il m’écrivait à cette époque quelques traces de ses études et de ses réflexions préparatoires à ce sujet ; il me disait le 19 juin 1827 : « Je lis un peu mes registres du XIIIe siècle et je deviens royaliste comme un vieux Français. C’est la bonne justice grandissant aux dépens de la mauvaise et l’ordre naissant peu à peu au seul lieu qui en renfermât quelques élémens. Si mes jugemens ne se modifient pas, ce qui est possible en étudiant mieux, je ne tomberai pas dans les colères et les doléances de Boulainvilliers, Montlosier et Sismondi sur les légistes, d’autant