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ainsi afin de ne pas blesser l’empereur, mais aussi dans une intention politique. On espérait faciliter à Napoléon le moyen de revenir sur ses demandes, que le public ignorait encore. On considérait qu’avec son caractère et son audacieuse opiniâtreté il s’acharnerait à les soutenir et à n’en point démordre, comme on dit, si le public était initié à ce secret. Bonaparte alors n’aurait jamais voulu avoir la honte de céder, car c’est ainsi qu’il désignait le pas qu’il aurait dû faire en arrière. Nous préférâmes renoncer à la vaine gloire que notre résistance nous aurait acquise auprès des cours étrangères afin d’obtenir le solide avantage de voir reculer l’empereur. Sa résipiscence nous paraissait impossible, si l’on ne cachait pas à la fois à l’Europe et ses exigences et les refus que nous leur opposions[1]. »


L’avis que les cardinaux avaient à émettre dans cette seconde congrégation était de la plus importante gravité, car les dernières communications de la légation française à Rome et celles que le cardinal-légat recevait journellement de M. de Talleyrand à Paris ne permettaient plus l’ombre d’un doute. Il était clair que de la décision qui allait être prise dépendait le sort du pouvoir temporel du pape. Les cardinaux opinèrent comme ils l’avaient déjà fait précédemment. Ils refusèrent d’admettre les principes posés par l’empereur et les conséquences qu’il voulait en tirer. Tel fut aussi l’avis de Consalvi et celui du pape, qui, cette fois encore, parla le dernier, pour laisser aux opinions toute liberté de se produire. Les réponses qui suivirent cette délibération furent très longues et très pénibles à composer, assure le cardinal secrétaire d’état ; mais elles ne furent, ajoute-t-il avec une certaine fierté, ni faibles ni ambiguës. Cela est vrai. Nous ne les reproduirons pas toutefois en entier parce que le fond des argumens ne diffère pas et ne pouvait guère différer beaucoup de ceux présentés dans les notes que nous avons, en partie du moins, précédemment citées. La note, en date du 14 juin 1806, qui avait été, comme toutes les autres, rédigée à Rome et que le cardinal Caprara fut chargé de remettre à M. de Talleyrand, se terminait par de chaleureux témoignages d’affection envers Napoléon. « Sa sainteté veut se persuader qu’elle trouvera toujours dans sa majesté l’empereur des Français cette même bienveillance et ce même attachement filial que, par sa tendresse paternelle et par les grands égards qu’elle lui a toujours témoignés, elle s’est toujours fait une étude particulière de mériter en tout ce qui lui a été possible. Si, par l’impénétrable volonté de Dieu, le malheur, du saint-père, qu’il sent s’accroître journellement, parvenait à ce point que ses prières ne trouvassent plus d’accès au cœur

  1. Mémoires du cardinal Consalvi, t. II, p. 449.