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À ces mots, qui lui parurent la négation absolue des droits de la tiare, Pie VII demanda d’un ton très élevé au cardinal Fesch où il prenait une pareille opinion. Fesch s’empressa de citer l’autorité des conciles, supérieure, suivant lui, à celle des papes. Alors commença entre les deux interlocuteurs une controverse théologique si vive, si animée, que M. Alquier, amené par le cardinal Fesch pour être présenté au pape en sa qualité de chargé d’affaires de la légation, eut hâte de s’esquiver de la salle d’audience. Il avait peur, disait-il, que son chef hiérarchique, en l’interpellant, comme sans doute il n’y aurait pas manqué, ne le mît dès le premier jour hors de toute mesure pour conférer plus tard avec le souverain pontife et essayer sur son esprit les voies de la conciliation[1].

Pie VII et le cardinal, s’étaient quittés, comme on peut s’y attendre, sans être tombés d’accord. L’oncle de l’empereur partit de Rome peu de jours après dans un état de grande excitation, aussi satisfait de lui-même qu’il était mécontent des autres, n’ayant pas voulu faire la moindre politesse au cardinal secrétaire d’état, refusant à l’agent qui allait le remplacer la communication des instructions qu’il avait reçues de sa cour et de la correspondance à laquelle elles avaient donné lieu[2]. Dans un pareil état des choses, Pie VII et le cardinal Consalvi pensèrent avec raison qu’il leur importait extrêmement de mettre la plus grande correction dans tous leurs procédés. Pour plus de solennité, et afin de lui faire partager la responsabilité des décisions qui restaient à prendre, ils se décidèrent à convoquer de nouveau la congrégation de cardinaux qu’ils avaient déjà précédemment réunie. On poussa le scrupule jusqu’à leur communiquer consciencieusement les dépêches que le cardinal Caprara écrivait chaque jour de Paris afin de recommander plus que jamais une entière résignation et la plus prompte obéissance aux volontés de l’empereur. Un profond mystère leur fut aussi instamment recommandé.


« On leur imposa le secret rigoureux du saint-office, dit Consalvi, avec défense de parler à personne, pas même à leurs auditeurs théologiens. Notre but était de ne rien laisser transpirer de ce qui se passerait dans cette assemblée, et jamais en effet rien n’en transpira… Nous agissions

  1. Dépêches de M. Alquier du 17 mai 1806.
  2. « Le cardinal Fesch ne croit pas pouvoir me communiquer ni instructions ni la correspondance à laquelle elles ont donné lieu. » (M. Alquier à M. de Talleyrand, 17 mars 1806.)