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consultèrent point assez cette fois l’esprit de modération et de prudence qui n’avait point cessé de présider à leurs rapports antérieurs avec le redoutable chef de l’empire français. Napoléon était le dernier souverain auquel il fût à propos d’opposer une pareille fin de non-recevoir ; elle n’était pas d’ailleurs en elle-même heureusement choisie. Le saint-père avait eu jusque-là pour lui, dans la querelle maintenant engagée, non-seulement l’antique droit des gens, non-seulement l’éternel bon sens et la stricte équité, mais aussi le sentiment public qui, dans nos temps modernes, prend toujours volontiers le parti du plus faible contre le plus fort et de l’opprimé contre son oppresseur. Aussi longtemps qu’en sa qualité de chef de la religion catholique Pie VII se bornait à défendre énergiquement contre les exigences de l’empereur Napoléon les droits qui lui paraissaient en conscience indispensables au maintien de son indépendance spirituelle, il intéressait à sa cause sans distinction d’opinions toutes les âmes fières et généreuses. Il compromettait un peu cet avantage le jour où il ressuscitait sans nécessité une prétention discutable et surannée qui n’avait trait qu’à ses droits de prince temporel. Peut-être Pie VII s’y crut-il obligé. Telle est en effet la condition, malheureuse suivant nous, faite par les circonstances aux souverains pontifes qu’en vertu de leur double nature de princes temporels et de chefs d’une auguste religion il leur arrive souvent de sentir de très bonne foi leur conscience pareillement engagée et presqu’au même titre intéressée dans des questions qui sont pourtant d’une nature toute différente et de valeur bien inégale. Le mélange, volontaire ou non, la confusion en tout cas inévitable qui, par leur fait et leur consentement, s’établit entre des objets si complètement dissemblables, ne leur a guère profité dans le passé, et leur sera de plus en plus nuisible dans l’avenir. Il en fut ainsi, ce nous semble, au moment qui nous occupe. Si le ministre de sa sainteté, au lieu d’évoquer des droits anciens, s’était rejeté sur les circonstances présentes, si, avec les habiles ménagemens dont il était capable, il s’était simplement efforcé d’expliquer à l’empereur comment les vieilles relations d’amitié qui le liaient à l’ancienne famille royale de Naples rendaient difficile au saint-père de reconnaître immédiatement les changemens survenus dans ce pays, nous sommes bien loin d’assurer que Napoléon eût accepté sans déplaisir ou sans mauvaise humeur les excuses du saint-siège. Il est probable toutefois que ces atermoiemens n’auraient pas provoqué de sa part les acerbes et injurieuses récriminations auxquelles donna lieu la question intempestive soulevée par la note de Consalvi. Le ministre de sa sainteté avait, contre son ordinaire, donné quelque prise sur lui en suscitant cette irritante question. Avec quelle ardeur