Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tramer contre les armées françaises, elle-même se croira autorisée et contrainte à y suppléer.

« Le soussigné croit de plus qu’il est de son devoir d’observer que toute machination qui tendrait à inspirer de l’inquiétude aux peuples de Rome et de l’état ecclésiastique, et à troubler de quelque manière que ce soit l’ordre et la tranquillité qui règnent dans ce pays, aboutirait à des résultats entièrement opposés à celui que les instigateurs de ces désordres se flatteraient d’en obtenir. Le soussigné croit superflu de faire remarquer à son éminence que l’objet des observations qui précèdent et toutes les conséquences qui pourraient résulter de la bonne ou de la mauvaise conduite de la cour de Rome sont absolument étrangères aux intérêts de la religion dans tout ce qui est relatif aux principes et aux devoirs spirituels. Sa majesté se fera toujours une loi sacrée de tenir à la croyance et à la pratique générale de l’église, mais elle est persuadée que dans cette stricte observation des règles religieuses elle reste indépendante et libre à l’égard du maintien des droits politiques et de la disposition temporelle des biens de la terre[1]. »


Ce fut le cardinal-légat Caprara qu’on chargea de répliquer à la note de M. de Talleyrand du 18 avril ; il a grand soin d’expliquer que cette réponse n’est pas son œuvre, et qu’il a reçu de son gouvernement l’ordre de la présenter ainsi. Nous ne la reproduirons pas textuellement ; elle est assez longue, et se borne à développer avec plus d’étendue les principes précédemment posés dans la lettre confidentielle du saint-père à l’empereur en date du 21 mars.


« Sa sainteté, disait le cardinal, parlant au nom du Vatican et non point au sien propre, sa sainteté voit avec peine que l’empereur, malgré la supériorité de son intelligence, n’ait pu s’expliquer l’esprit qui anime le saint-père et découvrir les motifs du système qu’il a adopté… Rien de politique, rien d’humain n’a eu et ne pouvait avoir part à la conduite qui lui est reprochée. Le saint-père ne saurait diriger ses actions d’après les simples rapports de la souveraineté temporelle. Il ne peut s’affranchir des devoirs importans que lui impose la qualité de vicaire de Jésus-Christ, de chef suprême de l’église, de pasteur universel du troupeau catholique et de père commun des fidèles. Cette qualité constitue la différence qui existe entre lui et les autres princes séculiers, et les devoirs qui en dérivent le privent de la faculté de suivre les principes d’après lesquels ces princes sont maîtres de régler leur conduite politique. »


Après avoir soutenu cette thèse par les mêmes raisons que Pie VII avait déjà fait personnellement valoir, après avoir rappelé combien,

  1. Note de M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures, au cardinal Caprara, légat du pape à Paris, 18 avril 1806.